De l'amende à 20 ans de prison... Que risquent réellement les émeutiers du Capitole?
Quelles poursuites judiciaires pour les émeutiers?
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- Publié le 07-01-2021 à 21h49
- Mis à jour le 08-01-2021 à 17h24
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Que risquent les individus qui ont pris d’assaut le Capitole mercredi après-midi ? L’enquête n’en est qu’à ses débuts, mais à n’en pas douter la justice américaine ne laissera pas ces faits impunis. "Il est clair et net qu’il y aura des poursuites et des sanctions pour ces personnes, qui seront à mon avis exemplaires", commente l’avocat Michael Fernandez-Bertier, membre des barreaux de Bruxelles et de New York.
Mercredi soir, la police de Washington annonçait avoir déjà procédé à une quinzaine d’arrestations et saisi des armes, précisant que plusieurs membres des forces de l’ordre avaient été blessés. Deux bombes artisanales ont également été désamorcées. Jeudi, le FBI a de son côté annoncé la création d’un site internet sur lequel des indices et des preuves (vidéos, photos…) en relation avec ces événements peuvent être signalés. Les enquêteurs ne manqueront pas de matériel dans la mesure où les partisans de Trump, agissant souvent à visage découvert, ont eux-mêmes mis en ligne de nombreuses photos et vidéos de leur expédition.
De l’amende à vingt ans de prison
En pratique, c’est au procureur général du district de Washington qu’il reviendra de lancer ces actions judiciaires, "mais les procureurs d’autres États peuvent également intenter des poursuites à l’égard de leurs concitoyens qui se seraient rendus à Washington dans le but de commettre des infractions au Capitole. Plusieurs d’entre eux ont manifesté leur intention dans ce sens", souligne M. Fernandez-Bertier.
Formellement, il n’existe pas de code pénal aux États-Unis, explique de son côté François van der Mensbrugghe, qui enseigne le droit américain à l’Université Saint-Louis Bruxelles et à l’ULiège. "Toutes les lois sont reprises dans un immense code - The US Code - qui intègre toutes les dispositions législatives fédérales, en ce compris tout ce qui concerne les procédures pénales."
Dans le cas présent, plusieurs qualifications sont envisageables pour poursuivre les actes commis par les émeutiers, avance avec prudence le Pr van der Mensbrugghe. Le scénario le plus probable est de se baser sur un article de loi qui vise spécifiquement les activités illégales impliquant des bâtiments publics et des infrastructures fédérales. "Cela concerne le fait d’y pénétrer illégalement, d’y amener des armes ou des engins explosifs ou d’en empêcher l’accès, par exemple. Des actes pour lesquels le contrevenant encourt une sanction allant d’une amende relativement faible à cinq années d’emprisonnement, voire les deux, qui est fonction de la gravité des faits commis. C’est une qualification plus générale qui permettrait de faciliter les poursuites."
Une autre option plus "offensive" consisterait à se référer à l’incrimination de "conspiration séditieuse", ciblant toute tentative de "renverser ou détruire par la force le gouvernement des États-Unis", "pour s’opposer par la force à l’autorité de celui-ci", ou "pour empêcher, entraver ou retarder l’exécution de toute loi". À la clef : là encore une amende, mais aussi une peine pouvant aller jusqu’à vingt ans de prison. "C’est en théorie une piste envisageable dans la mesure où les élus étaient en train de délibérer dans le cadre de l’Electoral Count Act, mais historiquement, c’est un article de la loi qui n’a presque jamais été appliqué."
L’utilisation de la qualification - entrée assez récemment dans l’US Code - de "terrorisme intérieur", très rarement invoquée elle aussi, paraît également peu probable et ne viserait sans doute a priori que les individus qui ont introduit les explosifs artisanaux.
Une autre possibilité serait de poursuivre les émeutiers pour une série de motifs très classiques comme l’agression et le vandalisme, complète Michael Fernandez-Bertier. "Ce sont des chefs d’accusation qui seraient assez faciles à démontrer et qui sont punissables jusqu’à vingt ans de prison, en particulier pour les organisateurs."
Quel risque légal pour Donald Trump
En théorie toujours, Donald Trump lui-même n’est pas à l’abri de poursuites pénales une fois son mandat achevé et son impunité évanouie, notamment sur la base de l’incitation à "la conspiration séditieuse". Mais il ne serait pas évident d’apporter la preuve qu’il avait l’intention d’entraîner ses supporters à aller aussi loin dans leurs actes de violences, jugent nos deux interlocuteurs.
"Et d’un point de vue politique, il n’est pas certain que l’administration Biden souhaite s’engager dans des poursuites contre un ancien président. Cela risque plus de renforcer davantage Trump et de galvaniser ses troupes", observe François van der Mensbrugghe. Un point de vue que partage Michael Fernandez-Bertiern, qui rappelle que Joe Biden a affiché sa volonté d’aller de l’avant et de réconcilier la société américaine. "Une alternative serait de tenter une procédure d’impeachment in extremis d’ici le 20 janvier. Elle n’exposerait pas Donald Trump à la prison mais elle l’empêcherait de se représenter lors de l’élection de 2024. Mais en deux semaines, cela semble peu réaliste."