Situation inédite en Israël qui organise ses troisièmes législatives en moins d’un an
Pour ou contre "Bibi" ? Cette fois encore, les législatives israéliennes ont une allure de référendum sur Benjamin Netanyahou, le Premier ministre le plus pérenne de l’histoire du pays.
Publié le 01-03-2020 à 14h03 - Mis à jour le 02-03-2020 à 13h43
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Pour ou contre "Bibi" ? Cette fois encore, les législatives israéliennes ont une allure de référendum sur Benjamin Netanyahou, le Premier ministre le plus pérenne de l’histoire du pays.
En face, l’ancien chef d’état-major, Benny Gantz, à la tête de l’alliance Bleu-Blanc qui fédère des anciens fidèles de Bibi et des centristes, tente depuis deux élections de lui voler la vedette. En vain. Ni l’un ni l’autre n’ont réussi pour l’instant à réunir une coalition de 61 députés, le nombre d’or pour former un gouvernement en Israël.m D’où cette situation, unique dans l’histoire du pays : trois élections se sont succédé en moins d’un an et le paysage politique israélien paraît toujours aussi fragmenté. “Il se peut qu’on s’achemine vers un quatrième tour, car globalement rien n’a vraiment changé”, note Assaf Shapira, chercheur au Israel Democracy Institute. "Les sujets abordés ont déjà été amplement discutés, les électeurs connaissent les candidats".
Impossible majorité
Les alliances ne devraient pas bouger non plus : partis religieux et nationalistes de droite se rangeront derrière le Likoud de Netanyahou, la gauche suivra Gantz. Or, si l’on en croit les sondages, d’un côté comme de l’autre, pour espérer l’emporter, le compte n’y est toujours pas.
Dans cette course aux députés, deux partis ont un rôle décisif : Israël Beitenou de l’ultranationaliste Avigdor Lieberman et la Liste unie, qui rassemble les députés arabes.
Le premier, crédité de huit sièges, a le pouvoir de faire échouer une coalition à droite. Lieberman est celui qui a fait tomber le précédent gouvernement en novembre 2018 et il bloque son ancien allié Netanyahou en refusant de siéger avec les religieux, autre soutien du Premier ministre, qui représentent entre 14 et 15 parlementaires.
La Liste unie pourrait, elle, gêner Gantz. Les députés arabes l’avaient soutenu pour former une coalition après les élections de septembre dernier, mais cette fois-ci, Bleu-Blanc veut se passer d’eux, sans doute pour attirer de nouveaux électeurs à droite. Or, sans les 14 députés des partis arabes, les espoirs de Gantz de former un gouvernement avec les seuls parlementaires de gauche sont proches du néant.
Likoud et Bleu-Blanc tentent donc d’engranger un maximum de votes pour peser dans les négociations post-électorales qui s’annoncent compliquées. Benjamin Netanyahou "harangue ses électeurs en leur disant : ‘Votez pour moi ! Nous allons continuer à marquer l’histoire’ et Benny Gantz réplique : ‘Faisons l’histoire en dégageant Netanyahou !’ ”, résume Yonatan Freeman, professeur en science politique à l’Université hébraïque de Jérusalem, qui souligne qu’au fond, sur bien des sujets, les deux rivaux n’ont pas beaucoup de différences.
Péripéties judiciaires
Un point important cependant les sépare : fin novembre, Benjamin Netanyahou a été mis en examen dans trois affaires pour corruption, fraude et abus de confiance. Une première pour un Premier ministre en exercice en Israël. Accusé d’avoir accordé des faveurs en échange d’une couverture favorable dans certains médias et d’avoir reçu des cadeaux de luxe de la part de milliardaires contre de possibles services, le chef du gouvernement joue donc sa survie.
S’il est reconduit à son poste, il n’est pas tenu de démissionner – du moins, pas avant d’avoir épuisé tous les recours judiciaires. Et s’il se présente le 17 mars au tribunal, à l’ouverture de son procès, fort de la légitimité populaire, cela consacrera sa victoire symbolique contre le “système” et la “chasse aux sorcières” dont il se dit victime.
En face, Benny Gantz, qui a construit sa carrière politique depuis un an en se présentant comme l’anti-Bibi, joue sur ces ennuis judiciaires pour attirer les déçus de Netanyahou. Il l’a martelé à plusieurs reprises : il ne siégera pas dans un gouvernement dirigé par un homme mis en examen.
Or, peut-il aujourd’hui y avoir une coalition sans l’actuel Premier ministre ? Après 14 ans au pouvoir, le “roi Bibi” comme le surnomment ses supporters, vacille. Mais, si l’on en croit les sondages, Israël n’est pas encore tout à fait prêt à tourner la page Netanyahou.