Coronavirus: l’Inde se prépare à une contamination à grande échelle
L’Inde restera-t-elle à l’abri ? C’est peu probable et le Premier ministre Modi prépare l’opinion au confinement.
Publié le 21-03-2020 à 13h47 - Mis à jour le 21-03-2020 à 13h49
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L’Inde restera-t-elle à l’abri ? C’est peu probable et le Premier ministre Modi prépare l’opinion au confinement.
Seulement" quatre morts et 206 cas pour 1,3 milliard d’habitants. Au 20 mars au matin, tandis que la pandémie galope à travers l’Europe, l’Inde semble préservée. Les pouvoirs publics ont vite réagi. Dès le 18 janvier, les passagers venus de Chine, de Hong Kong, de Singapour et de Thaïlande étaient examinés dans les principaux aéroports. Le 30 janvier, l’épidémie est arrivée au Kerala, dans le sud : un étudiant rentré de la province chinoise du Wuhan a été placé en quarantaine à l’hôpital. Deux autres étudiants, de retour du Wuhan, ont été hospitalisés dans la semaine qui suit et les pouvoirs publics ont placé 2 000 personnes sous observation dans la région. Le 3 février, les Chinois étaient interdits d’entrée en Inde. Quiconque est passé par la Chine depuis le 15 janvier a vu sa demande de visa électronique rejetée. Février est passé, et aucun cas ne s’est manifesté jusqu’au 2 mars, avec deux malades.
L’Inde restera-t-elle à l’abri ? C’est peu probable et le Premier ministre Modi prépare l’opinion au confinement. Le 19 mars, il a décrété un couvre-feu facultatif pour le 22. Appelant à un "mouvement populaire" contre le virus, il a déclaré : "La réussite d’un tel mouvement et ce que nous pourrons en retenir nous préparera aux défis à venir."
Dans ce contexte, des scientifiques se demandent si la contamination n’est pas sous-estimée. Au 20 mars, le Conseil indien de recherche médicale (ICMR) a testé 13 400 personnes selon deux critères : avoir voyagé hors du pays ou avoir été en contact avec quelqu’un revenu de l’étranger. Des épidémiologistes jugent qu’il faut élargir le dépistage.
"Le virus se répand parmi ceux qui n’ont pas quitté l’Inde depuis deux ou trois semaines comme aux États-Unis où le Covid-19 a fait 150 victimes jusqu’au 19 mars. Je ne serais pas surpris que 1 % de la population soit contaminée", fait valoir Ramanan Laxminarayan, directeur du Center for Disease Dynamics, Economics&Policy (CDDEP), un institut de recherche basé à Delhi et Washington. "Y a-t-il plus de morts ? Je pense que oui." Mais les preuves manquent.
"Certains hôpitaux ne rendent pas compte de tous les corps qu’ils reçoivent aux autorités sanitaires. Toutefois, vu le niveau de méfiance, ces établissements auraient donné l’alerte s’ils avaient suspecté un décès lié au Covid-19", assure le professeur Srinath Reddy, président de la Fondation publique indienne pour la Santé. Et le scientifique précise : "Le virus commence à circuler à travers le territoire et nous devrions tester davantage. Cependant, on doit utiliser le matériel de diagnostic avec parcimonie."
Un cumul de facteurs aggravants
L’ICMR a répété que ses équipes n’avaient pas les moyens d’étendre le dépistage. "Dans un pays aussi gigantesque, je ne pourrai pas tester ceux qui en ont le plus besoin si je gaspille les ressources", a déclaré Nivedita Gupta, scientifique à l’ICMR, le 16 mars. Les dépenses publiques de santé représentent 1 % du PIB indien quand l’OMS recommande un seuil de 6 %.
Enfin, la population est plus vulnérable qu’ailleurs. Six des dix agglomérations les plus polluées du monde sont en Inde et, pour le professeur Reddy, la mauvaise qualité de l’air "endommage les poumons qui sont alors plus fragiles face au virus".
À cela s’ajoute l’explosion du diabète et de l’hypertension depuis vingt ans, deux maladies qui touchent respectivement 60 et 200 millions d’Indiens et qui fragiliseront les personnes atteintes en cas de contamination.
Dernier problème : la densité de population qui frappe les plus pauvres dans les zones urbaines. "La distanciation est un luxe en Inde où les travailleurs pauvres se déplacent dans des bus bondés", prévient Ramanan Laxminarayan. Une accélération de l’épidémie paraît inévitable.