En Israël, la propagation du coronavirus et la montée du chômage fragilisent le gouvernement
Celui-ci hésite à annoncer un nouveau confinement alors que le pays est secoué par des manifestations réclamant des aides.
Publié le 14-07-2020 à 12h31 - Mis à jour le 14-07-2020 à 12h34
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La police avait autorisé 1 800 personnes. Elles étaient 10 000 samedi soir, sur la place Yitzhak Rabin, en plein centre de Tel-Aviv, à interpeller le gouvernement face à la crise économique que traverse le pays. "Les commerces s’effondrent et les aides n’arrivent pas. Arrêtez de parler et de promettre, agissez ! !", a tonné l’un des organisateurs, Tamir Tartman. Patrons de bars, de petits commerces, indépendants et professionnels du spectacle… Cette fois-ci, le socle des électeurs traditionnels du Likoud, le parti du Premier ministre, Benjamin Netanyahou, était dans la rue, contre lui.
"Les gens n’ont pas reçu un seul shekel depuis quatre mois", s’est plaint au micro de la radio militaire Roee Cohen, le président de la chambre israélienne des organisations indépendantes et des commerces. "Les gens n’ont pas été aidés, donc ils ont fait pression pour rouvrir l’économie. On a rouvert et voilà où nous en sommes, nous avons des milliers de nouveaux cas de coronavirus."
Retour de l’épidémie
Jusqu’à il y a trois semaines, Israël faisait pourtant figure de modèle pour sa gestion de l’épidémie. Un confinement rapide, mis en place très tôt, avait permis de limiter le nombre de cas et de décès. Le pays s’était doté dans la foulée d’un gouvernement d’union nationale, après plus d’un an et demi de crise politique. Le déconfinement annonçait des jours heureux , le pays pensait même rouvrir le tourisme à ses voisins grecs et chypriotes le mois prochain. Mais ces dernières semaines le nombre d’infections explose : Israël est désormais l’un des pays où le virus se propage le plus rapidement.
Le gouvernement a ordonné la fermeture des bars et limité les transports en commun, étudiant aussi la possibilité d’imposer des confinements dans certains foyers de contamination. Mais pas question de tout refermer - l’opinion publique israélienne est déjà trop en colère contre le gouvernement. Entre 75 % et 85 % des Israéliens sont insatisfaits de la réponse de leurs dirigeants à la crise économique. Le chômage, qui était à 4 % début mars, dépasse aujourd’hui les 20 %. La "Start-up Nation", longtemps vantée pour sa vitalité économique, "vit la pire crise économique de son histoire", décrit Benjamin Bental, qui dirige le programme de recherche sur les politiques économiques du centre de réflexion israélien Taub.
Depuis les années 2000, le pays a engagé une série de réformes néolibérales, creusant les inégalités. Israël est l’un des pays de l’OCDE avec le plus fort taux de pauvreté. À Tel-Aviv ou Jérusalem, de nombreux actifs jonglent entre plusieurs jobs ; les licenciements sont courants et rapides. Sauf que, jusqu’ici, il était assez facile de retrouver un travail.
Survie politique
"Israël a lamentablement failli à prévoir" comment contrer les conséquences économiques du coronavirus, remarque M. Bental. Le gouvernement avait annoncé quelques aides en mars, mais la bureaucratie a eu raison des bonnes intentions. Dimanche, le Premier ministre a présenté une partie de son plan de relance économique de 90 milliards de shekels (23 milliards d’euros) et débloqué de nouvelles aides pour les indépendants.
Cela suffira-t-il à calmer la colère ? "Les manifestants se présentent comme apolitiques. Leur volonté n’est pas de faire tomber le gouvernement mais que ce dernier s’occupe de leurs problèmes", souligne Arie Krempf, chercheur au Center for the Study of European Politics and Society. Le mouvement résonne tout de même comme un avertissement pour Benjamin Netanyahou, premier chef du gouvernement israélien en exercice à faire face à un procès pour corruption et abus de confiance. Rien ne menace le Premier ministre directement pour le moment, "ses soutiens sont loyaux", tempère le chercheur, mais "Netanyahou va prendre des décisions de manière à assurer sa survie politique".
Il devrait ainsi mettre en sourdine les sujets considérés comme moins importants par le public israélien. Et, en premier lieu, sa promesse d’annexion d’une partie de la Cisjordanie occupée, très controversée à l’étranger et dont se désintéressent profondément les Israéliens, en temps de crise économique.