Israël "récupère" un vestige byzantin volé sur un site ancien de Cisjordanie
L’opération menée de nuit ce lundi à Bethléem relève de la politisation de l’archéologie, selon une ONG israélienne.
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Publié le 23-07-2020 à 12h26
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Le vol par Israël de fonts baptismaux datant de l’époque byzantine, de nuit à Bethléem, est un acte abominable de brutalité et d’appropriation culturelle." L’OLP a eu tôt fait de dénoncer, lundi quelques heures seulement après les faits, le "pillage" de ce vestige chrétien datant du Ve siècle de notre ère et appartenant au "patrimoine palestinien et mondial", indique son communiqué.
Sur son compte Twitter, le département diplomatique de l’Organisation de libération de la Palestine a aussi publié deux vidéos filmées grâce à des téléphones portables depuis des habitations surplombant la scène. L’on y voit un camion à remorque ouverte emporter un imposant bloc de pierre calcaire taillée, alors qu’il fait encore nuit et sous la surveillance d’une patrouille de soldats israéliens. Il s’agit d’un bassin de baptême de section octogonale, d’environ un mètre cinquante de haut et frappé d’une croix byzantine ceinte d’une guirlande.
Un vestige "récupéré"
Peu après les faits, l’organisme israélien en charge de l’administration civile en Cisjordanie (Cogat) a indiqué que ces fonts baptismaux proviennent des ruines d’une église attenante à un monastère byzantin. Ceux-ci font aujourd’hui partie d’un site archéologique voisin de la colonie de Tekoa, dans les alentours du village palestinien de Tuquu dans le Gush Etzion, cette région située au sud de Jérusalem, entre Bethléem et Hébron. L’objet avait été volé en 2000 "par des pilleurs d’antiquités sur le site archéologique de Tekoa" auquel il sera donc rendu, a ajouté le Cogat. En précisant que cette opération, qui a permis de "récupérer un vestige archéologique unique" est le fruit de nombreuses années de recherches menées par le département d’archéologie du Cogat.
"Nous poursuivrons sans relâche notre travail visant à préserver les sites et les vestiges archéologiques à travers la Judée-Samarie" (le nom qu’Israël donne à la Cisjordanie), a souligné Hananya Hizmi, le directeur du département archéologique du Cogat, cité par le Jerusalem Post.
Une politisation de l’archéologie
En fait, Israël s’active depuis longtemps pour, selon lui "protéger" et "promouvoir" le patrimoine antique ou ancien de Palestine. L’OLP, qui voit plutôt dans ces actions des "pillages" et des "crimes de guerre", indique que dans les semaines qui ont précédé l’opération de lundi, Israël a "scellé l’entrée" du palais d’Hérode (Herodium), située non loin du site byzantin de Tekoa/Tuquu, "afin d’en restreindre l’accès aux Palestiniens", après se l’être "illégalement approprié en tant que parc national israélien". Sans oublier les atteintes répétées à des sites historiques comme la Vieille Ville de Jérusalem ou le tombeau des Patriarches/sanctuaire d’Ibrahim à Hébron.
Ces opérations sont dénoncées notamment par l’ONG israélienne Emek Shaveh, qui lutte contre la politisation du patrimoine archéologique, "devenu un instrument au service du conflit entre Israël et la Palestine". Dans le rapport "S’approprier le passé" publié fin 2017, l’ONG explique qu’Israël s’est intéressé au patrimoine culturel de ce territoire "immédiatement après le début de son occupation en 1967, et a depuis utilisé les sites archéologiques comme un instrument central (de sa politique) permettant d’approfondir le contrôle sur la Cisjordanie".
C’est aussi ce que dénonce l’OLP qui voit dans ces "tentatives méprisantes d’effacer la présence, la culture et le patrimoine palestiniens, y compris par l’appropriation et le vol d’objets et de sites patrimoniaux", la "marque de fabrique du système d’occupation et d’oppression coloniale d’Israël", indique son communiqué de lundi. Pour la direction palestinienne, Israël doit "rendre des comptes pour sa guerre scandaleuse contre le patrimoine palestinien".
Le dossier est très sensible. L’Unesco, conservateur en chef du patrimoine mondial, a rendu ces dernières années des positions en la matière qui ont fâché l’État hébreu. Au point que celui-ci a quitté, fin 2018 en compagnie de son parrain américain, l’organisation onusienne.