Inquiétante escalade militaire entre Israël et le Liban : le Hezbollah "joue avec le feu", selon Netanyahou
Le Liban accuse Israël d’avoir violé sa souveraineté, après des tirs d’artillerie de Tsahal. Israël dit avoir réagi à une "infiltration terroriste", visant le Hezbollah, qui dément. Un conflit paraît improbable, au regard du contexte régional...
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/907af01e-7b9c-4133-bc5e-d4804534654d.png)
Publié le 29-07-2020 à 15h19 - Mis à jour le 29-07-2020 à 15h20
:focal(908x721:918x711)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/BK6UVMQIYZDOJMCS4MKKJ55HDM.jpg)
Les récentes tensions militaires le long de la frontière entre Israël et le Liban ont incité mardi le Premier ministre libanais à lancer un appel à la "prudence". Hassan Diab a qualifié de "dangereuse escalade militaire" le comportement de l’armée israélienne, qu’il a accusée de "violer la souveraineté" de son pays. Des obus tirés par dizaines par l’artillerie de Tsahal sont tombés lundi en territoire libanais, dans le secteur des fermes de Chebaa. Cette zone de 40 kilomètres carrés, adossée au mont Hermon, est revendiquée par le Liban mais considérée par l’Onu comme partie intégrante de la zone du Golan syrien occupé et annexé par Israël.
Tsahal avait indiqué lundi avoir "déjoué avec succès une tentative d’infiltration d’une cellule terroriste en Israël", précisant que trois à cinq personnes, munies de fusils, avait pénétré de quelques mètres au-delà de la Ligne bleue séparant Israël du Liban. Cette prétendue incursion avait provoqué l’activation de l’artillerie israélienne sur le plateau du Golan. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a ensuite mis en garde le coupable tout désigné, le Hezbollah libanais, qu’il a accusé de "jouer avec le feu".

Épisode ordinaire à la frontière
La confusion entretenue par les versions contradictoires des uns et des autres s’explique par un contexte très tendu. L’armée israélienne est en état d’alerte depuis que l’aviation de Tsahal a éliminé, le 20 juillet au sud de Damas, cinq combattants pro-Iran, dont un cadre du Hezbollah. La milice islamiste pro-iranienne a promis depuis l’an dernier qu’elle riposterait à chaque fois qu’elle perdrait un homme. Elle a pourtant rejeté toute responsabilité dans l’incident de lundi, indiquant n’avoir pris part à aucun accrochage et n’avoir pas ouvert le feu.
D’après nos informations, appuyées par des reportages de télévisions libanaises sur place, un poste d’observation de l’armée israélienne à proximité des fermes de Chebaa aurait lancé une alerte suite à une appréciation erronée de la situation, déclenchant les tirs d’artillerie. Ceux-ci ont duré une heure, a indiqué la chaîne de télévision Al Manar du Hezbollah.

Le chercheur Didier Leroy ne voit dans cet incident qu’un épisode ordinaire dans ce secteur de la frontière nord d’Israël, où "les escarmouches sont régulières" en raison de l’état de tension entre les deux camps. Mais "le Hezbollah n’est pas assez stupide pour aller titiller les positions d’Israël dans le secteur des fermes de Chebaa, qui est archisurveillé", estime ce chercheur à l’Institut royal supérieur de défense (IRSD), spécialiste du Moyen-Orient et qui a beaucoup étudié le parti milice libanais. "Le Hezbollah a promis de riposter à chacune de ses pertes mais Israël ne sait pas comment, ni où, cela va se passer", dit-il, et cela peut expliquer que la tension induite conduise à des incidents de ce genre.
Des aiguilles plantées dans un colosse
Pourtant, dit-il, après les récentes déclarations du numéro deux de la Résistance islamique rejetant l’éventualité d’une guerre avec Israël, il serait étonnant que l’on soit au bord d’un tel conflit. Selon le chercheur, le contexte régional reste prééminent.
"Le Hezbollah doit avoir autre chose de plus important en tête" que la frontière nord, précise Didier Leroy, soulignant la mobilisation de facto de la milice pro-iranienne dans la perspective d’un conflit régional entre l’Iran et les États-Unis. "Si l’Iran est trop acculé ou s’il est frappé trop fort dans ses symboles, il pourrait jouer un rôle dans l’appui à l’Iran. Et même si ses moyens militaires et financiers sont limités, il peut faire très mal en menant certaines actions ciblées", ajoute M. Leroy, lesquelles sont autant d’"aiguilles plantées dans un colosse".

D’après lui, c’est la mise en place de cette stratégie de harcèlement qui occupe certainement la Résistance islamique aujourd’hui. "Le Hezbolalh sait par exemple qu’en tirant des salves rapprochées il pourrait parvenir à submerger le système de défense antimissile israélien", indique M. Leroy. "Il pourrait aussi viser les installations gazières israéliennes en Méditerranée orientale et mettre en péril la production et l’approvisionnement en gaz d’Israël." Autant de "leviers" que l’organisation peut actionner pour "entretenir un bouclier de disuasion".