Explosions à Beyrouth: un nouvel et tragique épisode de l’histoire mouvementée du Liban
La catastrophe de Beyrouth est le dernier épisode en date, tragique, de l’histoire tourmentée du Liban.
Publié le 05-08-2020 à 21h18 - Mis à jour le 05-08-2020 à 22h20
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La catastrophe de Beyrouth est le dernier épisode en date, tragique, de l’histoire tourmentée du Liban. Rares ont en effet été les périodes de calme, sans même parler de concorde, dans ce petit pays situé sur la rive orientale de la Méditerranée. Sa population est une mosaïque de communautés religieuses qui se disputent plus qu’elles ne se partagent le pouvoir en fonction de leur poids démographique : chrétiens maronites et grecs orthodoxes, musulmans sunnites et chiites, druzes… Aux 5 millions de Libanais s’ajoutent près de 900 000 réfugiés syriens ayant fui la guerre et plus de 450 000 réfugiés palestiniens. Clanique, le système politique libanais est dominé par des "dynasties" - les Gemayel, Hariri, Joumblatt, Aoun, Mouawad, Karamé… Enfin, le pays est coincé entre deux voisins envahissants, la Syrie et Israël. Autant d’éléments qui expliquent pourquoi le Liban est un volcan toujours au bord de l’éruption.
La question palestinienne
1943 : Protectorat français depuis 1920, le Liban accède à l’indépendance, dans les frontières du "Grand Liban" créé en 1926 et distinct de l’État syrien. Le système confessionnaliste organise le partage proportionnel du pouvoir politique entre les communautés.
1949 : Après la fin du premier conflit israélo-arabe, le Liban accueille plus de 100 000 réfugiés palestiniens. Ce nombre atteindra 250 000 suite à la guerre des Six Jours de 1967 et puis aux événements de Septembre noir de 1970 au terme desquels la Jordanie chasse de son territoire l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Les camps de réfugiés servent aussi de bases d’entraînement militaire et le Liban, de base arrière à l’OLP pour attaquer Israël. La présence des Palestiniens exacerbe les tensions intra-libanaises.
Quinze ans de guerre civile
1975 : Un affrontement entre les phalanges chrétiennes dirigées par Pierre Gemayel et les Palestiniens déclenche la guerre civile.
1976 : La Syrie qui n’a jamais renoncé à ses prétentions sur le Liban intervient, officiellement pour mettre fin au combat. Elle soutient d’abord les chrétiens maronites, puis la coalition palestino-progressiste. En 1977, l’assassinat du leader druze Kamal Joumblatt est attribué à Damas. Les chrétiens opposés à la présence syrienne se rapprochent d’Israël.
1978 : Israël envahit le Sud-Liban pour mettre fin aux attaques palestiniennes, avant de se retirer. L’Onu crée la Finul, censée maintenir la paix au sud du pays.
Juin 1982 : Cible de tirs d’obus partis du Liban, Israël lance l’opération "Paix en Galilée", envahit le sud du pays et fait le blocus de Beyrouth. Apparition sur l’échiquier libanais du parti chiite Hezbollah, soutenu par l’Iran, qui veut installer une république islamique et lutte contre l’occupation israélienne.
14 septembre 1982 : Le président chrétien Bechir Gemayel, élu depuis trois semaines, est assassiné.
17-18 septembre : Les phalanges chrétiennes perpètrent des massacres dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila situés à la sortie de Beyrouth dans des zones contrôlées par l’armée israélienne. Selon l’enquête israélienne qui suivra, le massacre a fait 800 morts, mais les estimations les plus sombres font état de 3 500 morts.
1983 : Attentats à Beyrouth contre les forces américaines (250 morts) et françaises (58) de maintien de la paix.
1985 : Israël se retire d’une grande partie du pays, mais garde le contrôle d’une zone tampon au Sud, avec l’Armée du Liban Sud.
1988 : Le président Amine Gemayel n’est pas remplacé à la fin de son mandat. Il charge le général Michel Aoun de former un gouvernement provisoire.
1989 : Signature de l’accord de Taef, en Arabie saoudite, qui instaure un partage du pouvoir entre chrétiens, musulmans sunnites et chiites. Il fait du Liban un quasi-protectorat syrien, ce que dénonce Michel Aoun, qui poursuit le combat contre l’armée syrienne.
Octobre 1990 : La Syrie vient à bout de la résistance de Michel Aoun, qui s’exile. Fin officielle de la guerre civile. Elle a vu s’affronter pendant quinze ans, au gré d’alliances parfois changeantes, des dizaines de camps belligérants parmi lesquels les armées syrienne, israélienne, libanaise, les Forces chrétiennes, l’Armée du Liban Sud, l’alliance palestino-progressiste, dont faisaient partie les druzes, les chiites d’Amal et du Hezbollah… Bilan : au moins 140 000 morts.
Une paix qui n’a rien de paisible
14 février 2005 : Un attentat-suicide à la voiture piégée commis à Beyrouth coûte la vie de l’ancien Premier ministre (1992-1998 puis 2000-2004), le milliardaire libano-saoudien Rafic Hariri, qui voulait fédérer l’opposition au président pro-syrien Lahoud. La responsabilité de l’assassinat est imputée au régime syrien de Bachar al-Assad. Le Conseil de sécurité de l’Onu demande le départ de l’armée syrienne. L’attentat provoque un large mouvement de manifestations quotidiennes contre la présence syrienne. Le Hezbollah organise une contre-manifestation. La Syrie retire ses troupes du Liban, en avril.
Juillet-octobre 2006 : Nouveau conflit avec Israël, qui bombarde la capitale et le sud du pays, après des tirs attribués au Hezbollah et l’enlèvement de deux soldats israéliens.
Mai 2008 : La campagne des élections présidentielles se déroule dans un climat d’affrontements communautaires entre, d’une part, le Hezbollah et, de l’autre, la majorité anti-syrienne. En mai, les accords de Doha mettent fin à ce qui menaçait de dégénérer en guerre civile.
2008-2020 : Instabilité politique chronique, tensions avec Israël. Afflux de réfugiés syriens.
2020 : Le pays sombre dans une crise économique sans précédent, après que la livre libanaise a perdu 80 % de sa valeur depuis l’automne.Olivier le Bussy