Le prince Bandar dynamite la position saoudienne sur Israël: une "offense" et un "discours condamnable"
Dans un entretien, l’ex- ambassadeur aux États-Unis a tancé vertement la direction palestinienne.
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Publié le 07-10-2020 à 09h51 - Mis à jour le 07-10-2020 à 13h37
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La charge contre la direction palestinienne est sans précédent et, surtout, inopinée. Dans un entretien télévisé sur la chaîne d’information saoudienne Al Arabiya, une chaîne qu’il avait lui-même lancée en 2003, l’influent prince Bandar ben Sultan a fustigé l’Autorité palestinienne pour les critiques qu’elle avait émises ces dernières semaines suite à l’annonce des normalisations diplomatiques entre Israël et deux États arabes du Golfe voisins de son pays, les Émirats arabes unis, en août, et Bahreïn, le mois suivant.
Les propos de la direction palestinienne constituent une "offense" et un "discours condamnable", a estimé le prince Bandar ben Sultan ben Abdelaziz Al Saoud, neveu du roi Salmane et cousin du prince héritier Mohammed ben Salmane, qui fut pendant plus de vingt ans ambassadeur aux États-Unis.
Un "faible niveau de discours"
À l’annonce de ces accords diplomatiques, le président palestinien Mahmoud Abbas avait crié à la "trahison" de l’Initiative de paix arabe de 2002 qui conditionnait toute normalisation des relations avec Israël au règlement du conflit israélo-palestinien. "Il n’y aura aucune paix, sécurité ou stabilité pour quiconque dans la région sans la fin de l’occupation et le respect des pleins droits du peuple palestinien", avait assuré le président palestinien en réaction à la signature, mi-septembre à Washington, des accords de normalisation.
"Ce faible niveau de discours n’est pas ce que nous attendons des responsables qui cherchent à obtenir un soutien mondial pour leur cause", a décoché le prince Bandar, qui fut patron des renseignements saoudiens mais surtout l’ambassadeur d’Arabie saoudite aux États-Unis de 1983 à 2005, sous les administrations Reagan, Bush père, Clinton et Bush fils. C’est à l’aune de cette action diplomatique qui, dit-on, a façonné la politique étrangère saoudienne ces dernières décennies, que l’on peut considérer que la parole du prince Bandar compte et que son influence est toujours prégnante à Riyad (comme dans la région), jusqu’à Washington.
Les Palestiniens sont "en échec"
"La cause palestinienne est une cause juste mais ses défenseurs sont en échec, et la cause israélienne est injuste mais ses défenseurs ont prouvé leur succès. Cela résume les événements des 70 ou 75 dernières années", a encore commenté le prince Bandar lors de la première diffusion en trois parties de son entretien.
Le discours de ce responsable saoudien tranche avec la position officielle du Royaume saoudien, apparemment conciliant vis-à-vis des Palestiniens. Riyad s’était contenté de réagir de manière très diplomatique aux deux accords de normalisation avec Israël, réaffirmant son soutien de principe à la cause nationale du peuple palestinien. Et en soulignant que la paix était un préalable à toute reconnaissance de l’État hébreu. Pourtant, cette réaction indirecte ne pouvait dissimuler le fait que la normalisation avec Bahreïn, totalement inféodé à Riyad, n’avait pu que bénéficier de la caution expresse de Riyad.
Un changement en cours
Il est sans doute trop tôt pour que l’Arabie saoudite envisage une reconnaissance de l’État d’Israël. Mais cette prise de parole semble traduire un changement de positionnement public en cours à Riyad, où la prochaine génération, celle du prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS), aura sans doute une approche plus pragmatique que dogmatique sur la question palestinienne. Ce qui devrait aller dans le sens de privilégier les intérêts communs plus immédiats, soit l’affaiblissement de l’Iran, reléguant ainsi la cause palestinienne.
L’influence du prince héritier émirien Mohammed ben Zayed, considéré comme le mentor de MBS, pourrait encore s’avérer déterminante à l’avenir sur son homologue saoudien. Lui dont la Fédération vient de reconnaître Israël.