Le "génocide des musulmans ouïghours" inquiète Alexander De Croo
Le Premier ministre l’a déclaré en janvier. Mais, selon son cabinet, la qualification des actes commis relève de la compétence des cours et tribunaux internationaux.
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Publié le 06-03-2021 à 16h47 - Mis à jour le 18-03-2021 à 20h35
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La phrase, dans la bouche d’Alexander De Croo, est passée inaperçue. Elle est pourtant loin d’être anodine. Le Premier ministre belge a qualifié de "génocide" la répression en cours contre la population ouïghoure dans l’ouest de la Chine. C’était le 21 janvier dernier. Il répondait, en séance plénière de la Chambre, à une question posée sur le traité d’extradition entre la Belgique et la Chine entré en vigueur le 26 décembre dernier et permettant, dans le cadre de la lutte contre la criminalité internationale, de transférer des personnes recherchées vers leur pays d’origine. "Nous devons à tout moment éviter que la lutte contre la criminalité internationale ne fasse des victimes d’activistes politiques ou de minorités innocentes", a-t-il déclaré. Or, "nous sommes aujourd’hui en effet confrontés à une nouvelle réalité politique, une réalité différente de celle de janvier 2019, lorsque notre pays a ratifié ce traité. Vous évoquez à plusieurs reprises la situation des membres de Falun Gong et des militants démocrates à Hong Kong. Vous conviendrez que le génocide des musulmans ouïghours est tout aussi inquiétant".
Un génocide, perpétré par une puissance mondiale membre permanent du Conseil de sécurité de l’Onu, est-il en cours au Xinjiang ? L’ex-secrétaire d’État américain Mike Pompeo et son successeur, Antony Blinken, l’ont affirmé, tout comme les parlementaires canadiens et néerlandais qui ont récemment voté en ce sens. L’eurodéputé Guy Verhofstadt, Open VLD comme Alexander De Croo, a dans la foulée appelé le Parlement européen à "déclarer que le traitement réservé par la Chine au peuple ouïghour est un génocide. Pas d’autre mot, pas d’autre option" ! En Belgique, la question a été lancée au sein de la Chambre après le dépôt d’une proposition de résolution écologiste appelant le gouvernement à reconnaître le "crime de génocide" commis, selon ses signataires, au Xinjiang.
"Un terme de droit international"
Alexander De Croo n’a, semble-t-il, pas prononcé le terme, encadré par une Convention de l’Onu de 1948, à dessein. "L’intervention du Premier ministre reflétait la préoccupation grandissante du gouvernement quant aux violations des droits de l’homme en cours à l’encontre de la minorité ouïghoure" en région autonome du Xinjiang, explique-t-on à son cabinet. "Il est toutefois clair que la détermination de ces actes comme constituant ou non légalement un génocide relève de la compétence des cours et tribunaux internationaux, sur la base des faits dont ils ont connaissance. Le terme ‘génocide’ est un terme spécifique en droit international."
Pour l’heure, "la Belgique partage la vive préoccupation concernant la situation dans la province du Xinjiang, sur la base des informations choquantes disponibles auprès des organisations internationales et des ONG. Plusieurs projets de résolution sur la situation des Ouïghours feront l’objet d’un débat parlementaire", rappelle-t-on encore dans l’entourage du Premier ministre. Des résolutions socialiste et libérale s’inquiétant de la répression au Xinjiang ont également été déposées à la Chambre.
"La Chine pourrait faciliter l’objectivation de ce débat en accordant à des observateurs indépendants (notamment à la Haut commissaire des Nations unies aux droits de l’homme) et à des diplomates (de l’Union européenne) un accès permanent et sans entrave à la région pour établir les faits. Cette responsabilité incombe à Pékin." C’est-à-dire aux autorités communistes chinoises, selon lesquelles les Ouïghours et autres minorités du Xinjiang vivent heureux et en sécurité.