En accusant Aung San Suu Kyi de corruption, la junte militaire a un double objectif
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Publié le 10-06-2021 à 20h37 - Mis à jour le 10-06-2021 à 21h14
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Aung San Suu Kyi, qui aura 76 ans le 19 juin, fêtera son anniversaire en détention. Elle a été inculpée pour corruption, a annoncé jeudi le journal officiel The Global New Light of Myanmar, selon qui on lui reproche d’avoir illégalement reçu 600 000 dollars et onze kilos d’or de Phyo Min Thein, l’ancien ministre chargé de la région de Rangoon, la capitale économique de la Birmanie. Elle aurait par ailleurs abusé de son autorité pour louer à des conditions avantageuses des terrains pour sa fondation caritative Daw Khin Kyi.
Ce ne sont pas les seules accusations portées contre la figure de proue du mouvement démocratique birman par la junte au pouvoir, laquelle tient de nouveau le pays d’une main de fer à la faveur du coup d’État du 1er février. Aung San Suu Kyi est privée de liberté depuis cette date et tenue au secret.
Les militaires prêtent à "la Dame de Rangoon" de nombreux crimes et délits, de la violation d’une loi sur les secrets d’État à l’incitation à troubler l’ordre public ou… la possession illicite de talkies-walkies. Le but est clairement d’obtenir, à la faveur d’une parodie de justice, des condamnations aboutissant à une lourde peine de prison qui priverait définitivement Suu Kyi de tout rôle politique.
Ruiner définitivement une réputation
Un autre objectif de la junte est de salir la réputation de la Prix Nobel de la paix 1991. Les généraux birmans savent pertinemment que l’opposante a détruit l’aura dont elle jouissait en Occident en soutenant, par une cruelle ironie, leur politique et notamment la campagne d’épuration ethnique menée contre les Rohingyas, une minorité musulmane établie dans l’ouest du pays. Il s’agit pour eux de faire croire maintenant que leur adversaire est corrompue et indigne de confiance.
Aung San Suu Kyi a passé le plus clair de son temps en résidence surveillée ou en prison après son retour au pays en 1988 et son engagement en politique à la tête de la Ligue nationale pour la démocratie (NLD). Le vent avait tourné en 2012 avec l’ouverture à l’Occident d’un régime autarcique et xénophobe qui étouffait sous l’étreinte de son unique allié, la Chine. La pasionaria birmane était alors peu à peu devenue le pivot du nouveau gouvernement. En apparence et en théorie, tout au moins, comme le putsch de février devait le confirmer.