L’Otan sort meurtrie de son expérience afghane dont elle "devra tirer des leçons"
- Publié le 17-08-2021 à 21h01
- Mis à jour le 18-08-2021 à 13h58
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Le retour des talibans au pouvoir est "une tragédie" qui signe "l'échec des autorités afghanes", a déclaré le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, mardi, lors de la conférence de presse qui a suivi la réunion des ambassadeurs des pays de l'Alliance atlantique. Les critiques du Norvégien envers les leaders politiques et militaires afghans déchus ne peuvent pas masquer que l'Otan quitte l'Afghanistan la queue basse. Les vingt années de présence de l'Alliance dans le pays s'achèvent dans la confusion, à l'aéroport de Kaboul, où l'évacuation du personnel des pays de l'Otan et de leurs aides afghans a commencé dans le chaos, lundi. "Environ 800 civils travaillant pour l'Otan sont restés (à Kaboul) pour assurer des fonctions cruciales dans des circonstances très compliquées, y compris le trafic aérien, la gestion des carburants et communications", a précisé M. Stoltenberg. Le secrétaire général a reconnu que "l'effondrement politique et militaire des dernières semaines [s'est produit] avec une rapidité qui n'avait pas été anticipée" par l'Alliance.
À se demander à quoi a servi le processus de formation des forces militaires afghanes mené pendant deux décennies. "On a longtemps prétendu que les choses allaient dans le bon sens en Afghanistan et certains ont peut-être fini par s'en convaincre", pointe Sven Biscop, spécialiste des questions de défense à l'institut Egmont et à l'Université de Gand. "Quand on forme des forces militaires, il faut savoir quel est objectif et s'il est réaliste", ajoute M. Biscop. "Les Occidentaux forment aussi des militaires et des policiers au Mali mais ne prétendent pas que le but est d'y installer une démocratie sur le modèle européen. Être réaliste, cela signifie également être modeste. Ensuite, cela ne sert à rien de former des forces sur le plan tactique, si on n'a aucun impact sur la direction de ces forces : le ministre de la Défense ou le chef de l'État."
"Malgré des investissements et sacrifices considérables de notre part pendant deux décennies, l'effondrement a été rapide et soudain. On peut en tirer de nombreuses leçons", a admis M. Stoltenberg. Le secrétaire général reconnaît que l'Otan devra "tirer des leçons" de son expérience afghane, tout en avançant que l'Afghanistan de 2021 n'est pas celui de 2001 et que "des progrès ont été enregistrés", dont le fait que le pays n'est plus le havre du terrorisme islamiste visant l'Occident.
"Un échec américain plus que de l’Otan"
Le chrétien-démocrate allemand Armin Laschet, qui briguera la succession de la chancelière Angela Merkel lors des élections de septembre prochain, a un avis plus tranché et juge qu'il s'agit de "la plus grosse débâcle […] de l'Otan depuis sa création".
"C'est moins un échec de l'Otan qu'un échec des États-Unis. L'Alliance était en Afghanistan l'exécutant d'une stratégie américaine", rappelle toutefois Sven Biscop. D'ailleurs, c'est sur l'échec des États-Unis qui les autres puissances mettent l'accent à des fins de propagande. Regardant vers Taiwan, la Chine se plaît ainsi à demander "qui seront les prochains à être abandonnés par les États-Unis", remarque M. Biscop.
Qui souligne cependant que les critiques européennes envers la façon dont les États-Unis ont opéré leur retrait "ne sont pas très honnêtes" : "Les Européens n'ont jamais tenté d'influencer ou de présenter une alternative à la stratégie américaine. Ils voulaient quitter l'Afghanistan depuis longtemps mais n'osaient pas le faire avant les États-Unis. Quand ces derniers ont annoncé leur départ, les alliés ont suivi rapidement."
Les membres européens de l'Otan pourront difficilement éviter de faire leur examen de conscience. L'ancienne Première ministre britannique Theresa May a invité le Royaume-Uni à faire le sien, mercredi à Londres, lors d'un débat sur le retrait d'Afghanistan organisé à la Chambre des communes : "Qu'est-ce que cela dit de nous, qu'est ce que cela dit de l'Otan, ni nous sommes entièrement dépendants d'une décision unilatérale prise par les États-Unis ?"