De Taïwan à la mer de Chine méridionale, une démonstration de force de Pékin
Les incursions d’avions et de navires augmentent près des territoires revendiqués.
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Publié le 05-10-2021 à 21h27 - Mis à jour le 07-10-2021 à 15h20
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Lundi, quelque 52 avions de chasse et autres bombardiers chinois ont pénétré dans la zone d’identification de défense aérienne (ADIZ) de Taïwan. Le même jour, l’ambassadeur de Chine à Kuala Lumpur était convoqué au ministère malaisien des Affaires étrangères pour entendre une protestation officielle après l’incursion de navires chinois dans la zone maritime économique exclusive de la Malaisie au large de Bornéo.
Les deux incidents illustrent une même détermination : il s’agit, pour la Chine, d’inscrire le territoire national dans ce qu’elle considère être ses limites historiques. Cela signifie, d’une part, récupérer Taïwan, une île de facto indépendante depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949, mais que Pékin n’a jamais cessé de traiter en province rebelle. Et, d’autre part, contrôler les archipels de la mer de Chine méridionale (Paracels, Spratleys, etc.) qui s’étirent jusqu’aux confins de l’Indonésie.
En mer de Chine, Pékin a coupé court aux revendications territoriales des autres États de la région (Vietnam, Philippines et Malaisie principalement) en occupant plusieurs îles, îlots et récifs, en accroissant artificiellement leur superficie (pour y construire des bâtiments, des ports, des pistes d’atterrissage) et en les fortifiant (batteries de missiles à l’appui). La marine et l’aviation chinoises ont, par ailleurs, multiplié leurs patrouilles. En juin dernier, c’est l’intrusion de seize chasseurs chinois que Kuala Lumpur avait dénoncée.
Des survols de plus en plus fréquents
En ce qui concerne Taïwan, Pékin passe visiblement de la pression à l’intimidation avec la multiplication des survols militaires, sinon dans l’espace aérien taïwanais, du moins dans l’ADIZ - une zone dans laquelle, pour des raisons de sécurité, un État exige des aéronefs étrangers qu’ils donnent leur identification et le motif de leur passage. Les médias locaux ont rapporté que, lors d’un de ces contrôles, un pilote de chasse chinois s’est borné à répondre par une grossièreté.
Les provocations sont devenues remarquablement nombreuses : pas moins de 150 depuis le 1er octobre, jour de la fête nationale chinoise ; plus de 600 cette année, alors que seulement 380 avions avaient été détectés en 2020.
Dans l’immédiat, cette démonstration de force a d’abord un coût pour Taïwan, en contraignant sa force aérienne à intervenir plus souvent : fatigue des pilotes, consommation accrue de carburant, usure accélérée du matériel. Mais c’est à plus long terme que les autorités de l’île s’inquiètent.
Ce n’est, certes, pas la première fois que le régime communiste manifeste son impatience à l’égard d’une "réunification nationale" qui se fait trop attendre à son goût. En 2005, le Parlement chinois avait même été jusqu’à voter une loi légitimant le recours à la force contre Taïwan. On a, toutefois, toujours semblé s’accommoder du statu quo, à Pékin, tant qu’on ne franchissait pas, à Taipei, la ligne rouge que constitue une proclamation formelle d’indépendance.
Les intentions de Xi Jinping
D’aucuns redoutent qu’il en aille autrement sous le règne de Xi Jinping, un dirigeant qui se situe peut-être dans la lignée des empereurs qui ont assuré la grandeur de la Chine en défendant ses frontières ou en les élargissant. En tenant un discours très nationaliste, en revendiquant pour son pays un statut de grande puissance à laquelle rien ne semble impossible ni interdit, en profitant de la faiblesse relative des États-Unis (le principal allié de Taïwan) et en postulant que nul n’osera résister à la Chine, Xi pourrait être tenté de franchir le pas. Ou vouloir le faire croire, pour amener les "indépendantistes" taïwanais à de meilleures dispositions.
