Un ancien policier chinois témoigne des tortures infligées aux Ouïghours: "On les battait jusqu'à ce qu'ils soient meurtris"
La chaîne américaine CNN a diffusé le témoignage d'un ancien inspecteur de police chinois, désormais en exil et "lanceur d'alerte". Sous couvert d'anonymat, il révèle des détails sur le système répressif mis en place par les autorités chinoises contre la communauté Ouïghoure.
Publié le 06-10-2021 à 21h25 - Mis à jour le 06-10-2021 à 21h27
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/LMMG5RFWDBHHDFHI26WIADFH7M.jpg)
Présenté sous le simple pseudonyme de "Jiang", afin d'éviter les représailles envers sa famille restée en Chine, cet ancien policier chinois a livré à CNN son témoignage d'ex-tortionnaire. Cet inspecteur désormais en exil en Europe raconte les opérations menées par Pékin dans la région du Xinjiang contre les Ouïghours, une communauté musulmane.
Jiang, lunette de soleil sur le nez, visage masqué et voix modifiée, livre des détails sur ce qu'il appelle une campagne de torture. Comme des centaines d'autres policiers, il a accepté de participer à des missions courtes et bien payées au Xinjiang, dans le cadre d'une opération de "lutte contre le terrorisme" en 2014.
Il explique avoir participer à des rafles, dans lesquelles "des centaines de personnes étaient emmenées de nuit, menottées, une cagoule sur la tête". De violents interrogatoires étaient ensuite menés sur les hommes, femmes et enfants de plus de 14 ans arrêtés.
Les méthodes de torture étaient diverses : suspension des personnes au plafond, violences sexuelles, électrocutions, privation de nourriture, d'eau et de sommeil… "Chacun utilisait des méthodes différentes", détaille Jiang. "On leur donnait des coups de pied, on les battait jusqu'à ce qu'ils soient meurtris et enflés. Jusqu'à ce qu'ils s'agenouillent sur le sol en pleurant. Certains policiers utilisaient des barres de démolition, des matraques électriques ou des chaînes en fer avec des verrous. Certains leur marchaient sur le visage".
"Parfois, la police ordonnait aux prisonniers de violer un autre détenu", se souvient-il aussi. "Il y avait des gens qui voyaient cela comme un travail, mais d'autres étaient juste des psychopathes", dit-il en évoquant ses collègues.
L'objectif ? Faire avouer aux détenus des infractions terroristes qu'ils n'avaient probablement pas commises. Les tortures ne s'arrêtaient qu'à ce moment-là. Pour Jiang, des centaines de prisonniers arrêtés n'avaient commis aucun crime : "Ce sont des gens ordinaires", estime-t-il. Mais le calvaire ne s'arrêtait pas là, les prisonniers étaient ensuite transférés dans des camps de détention ou des prisons.
Pour appuyer son témoignage, l'ancien policier a fourni à CNN son uniforme de police, des documents officiels, des photographies, des vidéos et des pièces d'identité de son séjour en Chine, dont la plupart ne peuvent pas être publiés pour protéger son identité.
Certaines de ces pratiques ont déjà été relatées par d'ex-détenus ou employés de centres de détention, de camps de rééducation ou de prison. Amnesty International a notamment publié en juin un rapport de 160 pages sur "l'Internement de masse, la torture et la persécution au Xinjiang".