"Il faut absolument boycotter ces Jeux de Pékin"
À deux mois de l'ouverture des Jeux olympiques d'hiver à Pékin, l'ancien prisonnier d'opinion tibétain Dhondup Wangchen aimerait convaincre les Européens.
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- Publié le 01-12-2021 à 06h40
- Mis à jour le 06-12-2021 à 23h28
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"Il faut absolument boycotter ces Jeux olympiques de Pékin et, si ce n'est pas possible, le boycott doit au moins être diplomatique." À deux mois de leur ouverture, Dhondup Wangchen, ancien prisonnier d'opinion tibétain réfugié aux États-Unis, s'est lancé dans une tournée de quinze pays européens pour les sensibiliser à sa cause.
"Si l'on accepte que Pékin organise les Jeux, on envoie un message erroné au monde : celui que tout va bien, alors que la répression ne cesse d'empirer pour les Tibétains, les Ouïghours ou Hong Kong, et que la Chine déstabilise toute la région", explique-t-il à l'occasion de son escale bruxelloise. "Dans la charte olympique, on promet fraternité et liberté. Si l'on ne boycotte pas ces JO, nos propos sur la liberté et les valeurs démocratiques sont comme un arbre sans racines."
À ceux qui lui reprocheraient de mêler sport et politique, Dhondup Wangchen rétorque que "c'est le gouvernement chinois qui mélange les deux. Les Jeux et les athlètes deviennent des outils de propagande chinoise". Il aurait aimé l'expliquer à l'un ou l'autre responsable du Comité olympique belge, comme il a pu le faire aux Pays-Bas, mais la porte lui est restée fermée. "Je suis vraiment déçu."
En 2008 déjà
L'histoire personnelle de Dhondup Wangchen est liée à cet événement planétaire. Quand il a appris que les Jeux d'été de 2008 avaient été confiés à la Chine, dans l'espoir qu'ils contribueraient à y améliorer les droits et libertés, il a "eu l'idée, avec quelques amis, de partir recueillir les témoignages de Tibétains de tous horizons" pour savoir ce qu'ils en pensaient et montrer au monde leur réalité. Des gens ordinaires, des hommes et des femmes, des moines, des nomades et des agriculteurs, ont crié leurs frustrations, évoqué leurs peurs, égrené leurs doléances, fustigé l'absence de libertés sous l'occupation chinoise.
Son documentaire, Leaving Fear Behind, a été projeté à Pékin le jour de l'ouverture des Jeux, mais sans le réalisateur amateur. Peu après l'éclatement des manifestations tibétaines en mars 2008, il avait été arrêté et torturé. Il passera six ans en détention, quelques années encore sous surveillance, avant de fuir clandestinement le pays.
"Quand j'ai appris que les JO seraient à nouveau organisés en Chine en 2022, c'est comme si on m'avait planté un couteau dans le cœur, c'était tellement douloureux", se souvient-il. "Les Jeux, c'est la paix, l'égalité, la vérité. Mais au Tibet, depuis les JO de 2008, il n'y a pas de paix, pas d'égalité, pas de vérité. Les profits économiques et commerciaux supplantent les droits fondamentaux. Tout est surveillé, contrôlé, censuré." Les Tibétains sont tenus à l'écart des décisions qui les concernent, les infrastructures construites sur le haut plateau "ne sont pas du tout durables", les politiques mises en place visent à l'assimilation, voire "à l'éradication, du peuple tibétain", affirme-t-il. "Le plus important pour nous aujourd'hui, c'est de préserver notre langue, notre culture, notre identité qui sont la cible de la politique chinoise."
Plusieurs membres de sa famille sont morts de la politique communiste imposée par Pékin. "Je suis la troisième génération qui souffre sous l'occupation chinoise. J'ai ce sentiment d'avoir été bercé dans la souffrance toute ma vie. Si l'on en croit la propagande, tout va bien, la vie s'améliore, mais la majorité souffre sous ce régime. Cette réalité m'a conduit à penser que la liberté est plus importante que ma vie. Je me suis dit que j'allais faire tout ce que je pouvais pour alléger les souffrances de mon peuple. J'avais 19 ans." Il en a aujourd'hui 47.
Son "rêve le plus cher, c'est que le Dalaï-Lama puisse rentrer au Tibet, en paix et en liberté", dit-il. "Peut-être qu'il se réalisera, peut-être pas." Le "combat pour la liberté se poursuivra alors avec la génération suivante, mes enfants, et peut-être les enfants de mes enfants".