Au Cambodge, une zone militaire bientôt réservée à la marine chinoise
C’est le projet que cacherait l’extension de la base navale de Ream.
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Publié le 07-06-2022 à 19h08 - Mis à jour le 08-06-2022 à 09h52
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Une curieuse cérémonie sera organisée jeudi sur la base navale cambodgienne de Ream, à une trentaine de kilomètres au sud-est de Sihanoukville. On posera la première pierre d’une extension des installations portuaires en présence des autorités khmères, mais aussi d’une délégation officielle chinoise. Cependant, la volonté est de garder la manifestation aussi discrète que possible.
La participation de la Chine à l'entreprise est, en effet, drapée d'un mystère qui suscite des interrogations. Le Washington Post a révélé lundi, en se fondant sur des sources sûres, mais non identifiées, que la rénovation de la base s'accompagnera de la construction d'une zone qui sera réservée à l'usage exclusif de la marine chinoise. En d'autres termes, Pékin se dotera ainsi de sa seconde base militaire à l'étranger (la première a été créée à Djibouti en juillet 2017).
"Fake news"
Le Premier ministre cambodgien, Hun Sen, a catégoriquement démenti une telle affectation, qualifiant ces informations de "fake news" destinées seulement à ternir l'image de son pays. Il a rappelé que la Constitution interdisait au royaume toute présence militaire étrangère sur son sol. Pour Phnom Penh, l'implication chinoise se bornerait à la modernisation des infrastructures dans le cadre des "nouvelles Routes de la soie".
Les sources chinoises citées par le Washington Post sont moins catégoriques. Elles confirment l'aménagement d'une extension réservée à Pékin, mais assurent qu'elle ne sera pas exclusivement utilisée par l'armée. Des "scientifiques", dit-on, y seront aussi accueillis.
Un protectorat chinois
On sait que la Chine, après avoir été le grand allié du régime génocidaire khmer rouge, a réussi à nouer des liens tout aussi étroits avec les nouveaux maîtres du pays, au point de transformer quasiment celui-ci en protectorat. Au pouvoir depuis 1985, Hun Sen cherche à garder de bonnes relations avec l’Europe et les États-Unis, mais c’est clairement la Chine qui a l’ascendant, grâce à des investissements massifs dans l’économie.
Cette mainmise chinoise n’est pas du goût de tous. C’est pourquoi le projet de base militaire est cause d’embarras à Phnom Penh. On préfère prétendre que la Chine vient prêter main-forte aux garde-côtes khmers pour combattre la pêche illégale.
Il n’échappe, toutefois, à personne que la Chine veut asseoir son statut de grande puissance en développant à son tour un réseau de bases militaires à l’étranger, à partir desquelles elle pourra plus facilement projeter ses moyens d’intervention et collecter des renseignements. Elle a signé ainsi, en avril, un accord controversé avec les îles Salomon, qui lui offre une présence inédite dans le Pacifique-Sud.
S’implanter dans le golfe de Thaïlande est pour Pékin une étape supplémentaire et nécessaire, en sachant que le caractère stratégique de Ream est renforcé par la proximité de la mer de Chine méridionale. Celle-ci est devenue un foyer de tensions depuis que les Chinois y ont militarisé plusieurs atolls pour consolider leur emprise.
