Une vague de contaminations au Covid-19 déferle sur la Chine: “Il est certain qu’il va y avoir des nouveaux variants”
Pékin, qui a tourné la page de sa politique drastique du “zéro-Covid”, dit n’avoir enregistré que six morts depuis lundi. L’Organisation mondiale de la Santé, très préoccupée, l’appelle à donner des informations plus détaillées sur la gravité de l’épidémie et à accélérer la vaccination des populations les plus vulnérables.
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Publié le 22-12-2022 à 19h29 - Mis à jour le 23-12-2022 à 14h56
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Des hôpitaux débordés, des morgues surchargées, des entreprises qui tournent au ralenti faute d’employés et ouvriers sur pied, un manque de médicaments contre la fièvre : la Chine fait face aux graves conséquences de la vague de contaminations au Covid-19 qui déferle actuellement sur elle.
Pendant presque trois ans, les autorités communistes ont imposé à la population des restrictions sanitaires draconiennes, appliquées parfois jusqu’à l’absurde. Si cette politique drastique du “zéro-Covid” visait à protéger les personnes les plus à risque, elle poussait littéralement à bout une population empêchée de mener une vie normale depuis 2020. Jusqu’à ce que l’exaspération croissante, qui s’est exprimée dans les rues, ne conduise le pouvoir à revoir spectaculairement sa politique le 7 décembre. Mais, alors que le monde revient à la normale, le nombre de cas de Covid-19 explose en Chine, passée d’un extrême à l’autre, sans modération ni adaptation à la situation, au risque de voir venir une crise socio-économique et humanitaire.
Un million de morts ?
La vague actuelle a “probablement commencé au début du mois de novembre”, pense l’épidémiologiste Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale à la faculté de médecine de l’université de Genève. “Les digues qui avaient bien tenu ont rompu sous la poussée de nouveaux variants d’Omicron très transmissibles, probablement BF.7 ”, nous dit-il. Comme le résume le biologiste indien Vinod Scaria, chercheur à l’Institute of Genomics & Integrative Biology de Delhi, “une grande partie de la population est sensible à une version du virus qui se propage rapidement et qui échappe au système immunitaire, dans un pays massivement peuplé avec une population de plus en plus vieillissante”.
Des premières projections, relayées par la revue Nature, indiquent que la pandémie pourrait tuer un million de personnes au cours des prochains mois en Chine. Les autorités sanitaires ont fait officiellement état, jusqu’ici, de six morts à peine : elles ont décidé que seules les personnes directement décédées d’une insuffisance respiratoire due au coronavirus seraient comptabilisées dans les statistiques. Ce qui donne une vision très étroite de la situation sanitaire réelle, dans un pays où la fiabilité des chiffres reste sujette à caution.
Je ne voudrais pas dire que la Chine s’emploie activement à ne pas nous dire ce qu'il se passe.
“En Chine, le nombre de cas signalés dans les unités de soins intensifs est relativement faible, mais, de manière anecdotique, les unités de soins intensifs se remplissent”, a réagi mercredi le responsable de la gestion des situations d’urgence sanitaire à l’Organisation mondiale de la Santé, Michael Ryan. “Je ne voudrais pas dire que la Chine s’emploie activement à ne pas nous dire ce qu'il se passe. Je pense qu’elle est en retard sur la courbe.” Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’OMS, a en tout cas demandé de recevoir des “informations plus détaillées sur la gravité de la maladie, les admissions hospitalières et les besoins en matière d’unités de soins intensifs”, alors qu’émergent les critiques sur le manque d’équipement dans les hôpitaux.
Une faible immunité
La propagation rapide du Covid-19 s’inscrit dans un contexte particulier. “L’immunité acquise par la population est beaucoup plus limitée que celle de la planète aujourd’hui. On a pratiquement tous été exposés au coronavirus, parfois même plusieurs fois. Ce n’est pas le cas des Chinois”, explique Antoine Flahault.
De surcroît, la couverture vaccinale, en particulier des plus vulnérables, est assez faible et ancienne. Sur les 260 millions de seniors en Chine, seuls 70 % des plus de 60 ans et 40 % des plus de 80 ans ont reçu une troisième dose. “Il est possible que la faible couverture vaccinale des personnes âgées, qui est particulière à la culture chinoise, entraîne une surmortalité”, ajoute Antoine Flahault.
Booster la vaccination
Aussi, la Chine doit “concentrer ses efforts sur la vaccination des personnes les plus à risque”, plaide Tedros Adhanom Ghebreyesus, même si Pékin a “fait des progrès considérables au cours des dernières semaines dans la distribution des vaccins”, selon le Dr Michael Ryan. Les personnes âgées et groupes à risques devraient recevoir une nouvelle dose de vaccin, de préférence basée sur une technologie différente de celle de la première dose. La Chine utilise des vaccins (CoronaVac et Sinopharm) conçus avec un virus inactivé et non ceux à ARN messager (Pfizer et Moderna) qui sont considérés comme plus efficaces après deux doses.
Des études relayées par Nature indiquent que d’autres mesures pourraient améliorer la situation : la généralisation du port du masque – déjà très utilisé en Chine – et l’instauration de restrictions temporaires dans les interactions sociales. Le fait que les rues de grandes villes, comme Shanghai, restent très calmes en ce moment, semble indiquer que les gens restreignent déjà leurs mouvements.
De nouveaux variants en vue
La situation se révèle d’autant plus inquiétante que la propagation du virus en Chine, forte d’1,4 milliard d’habitants, n’est pas sans impact possible – économique et sanitaire – sur le reste du monde. “Le virus a une nouvelle opportunité d’évoluer” vers de nouveaux variants, indique Vinod Scaria. Et ils “pourraient déclencher la prochaine vague d’infections”.
“Il est certain qu’il va y avoir des nouveaux variants”, ajoute Antoine Flahault. Aussi, “tout voyageur venant de Chine dans l’espace Schengen devrait faire l’objet d’une détection et d’un séquençage de son virus s’il en est porteur. Ce n’est pas pour empêcher le virus d’entrer en Europe mais pour être informé et pouvoir réagir rapidement lorsque les nouveaux variants émergeront”.