Le pape François se rend aux portes de la Chine pour saluer une poignée de catholiques
Cette visite, la première d’un souverain pontife en Mongolie, est aussi un hommage rendu aux progrès politiques et économiques réalisés dans cet ancien satellite de l’URSS, où l’on compte moins de 1500 catholiques sur trois millions et demi d’habitants.
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- Publié le 01-09-2023 à 16h55
- Mis à jour le 01-09-2023 à 18h16
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En janvier 1990, l’onde de choc envoyée dans le monde communiste par la chute du mur de Berlin, deux mois plus tôt, s’était propagée jusqu’aux portes de la Chine, balayant le plus vieux satellite de l’Union soviétique, la République populaire de Mongolie. Elle n’alla pas plus loin, décevant les attentes de ceux qui auraient bien vu la Chine basculer comme la Russie dans ce qu’on espérait être une conversion à la démocratie. Au moins devait-elle transformer en profondeur cet immense pays sous-peuplé, pris en étau entre deux géants : nouvelle Constitution, multipartisme, économie de marché, ouverture au monde… Une première élection présidentielle en 1993 et des législatives en 1996 signèrent la fin de l’étreinte du parti communiste, refondu en un Parti populaire mongol (MPP) d’inspiration sociale-démocrate.
C’est dans cette République de Mongolie new look que le pape François a entamé vendredi une visite de quatre jours parmi les plus originales et les plus inattendues puisque le pays compte en tout et pour tout 1 450 catholiques (sur trois millions et demi d’habitants, presque tous bouddhistes ou athées), et encore depuis peu, puisque la liberté de culte n’a été restaurée qu’après le renversement du régime communiste. Sous la dictature du Staline local, Khorloogiin Choibalsan (de 1928 à 1952), puis de son successeur, Yumjaagiin Tsedenbal (jusqu’en 1984), la pratique d’une religion était inconcevable dans cet ex-empire des steppes qui avait embrassé le lamaïsme tibétain au XVIe siècle. Autant dire aussi que rares sont les Mongols qui avaient entendu parler du Pape avant cette visite, qui n’en fait pas moins la fierté des autorités et de la population.
Un cardinal italien
Premier souverain pontife à se rendre en Mongolie, François ira à la rencontre de cette petite communauté catholique, désormais conduite par une personnalité elle aussi singulière : Giorgio Marengo, un missionnaire italien de la congrégation turinoise de la Consolata que le Pape a créé cardinal à 48 ans en août 2022, après avoir fait de lui en 2020 le préfet apostolique d’Oulan-Bator. Le Pape inaugurera une institution charitable liée à l’Église et présidera une réunion interreligieuse qui rassemblera des bouddhistes et des chrétiens, mais aussi des juifs, des musulmans et des shintoïstes.
François sera reçu par le président mongol, Ukhnaagiin Khürelsükh, et le Premier ministre, Luvsannamsrai Oyun-Erdene, tous deux issus du MPP. Comme on l’a souligné dans l’entourage du Pape, le but du voyage, c’est la Mongolie : l’occasion pour lui de saluer à la fois une culture millénaire et les progrès enregistrés en trois décennies, tant sur le plan politique qu’économique. La Mongolie est aussi confrontée à d’énormes défis écologiques (chauffage au charbon, pollution liée aux exploitations minières et élevage trop intensif pour la production de cachemire notamment). C’est une thématique que François affectionne et qui sera logiquement au cœur de son message.
Mais si l’on insiste sur cette priorité donnée à la Mongolie, c’est parce que les regards portent inévitablement au-delà, vers les deux grands voisins qui sont l’un comme l’autre des casse-tête pour la géopolitique vaticane. En dépit d’un passé douloureux, Oulan-Bator a conservé des liens étroits avec Moscou. S’y rendre, c’est aussi, pour François, l’occasion d’implicitement rappeler sa volonté d’un rapprochement avec l’Église orthodoxe, à l’heure où le soutien de celle-ci à la guerre en Ukraine rend les choses plus compliquées.
Un relais vers la Chine
C’est, toutefois, la Chine qui est dans toutes les pensées. Comme ses prédécesseurs, François aspire à renouer des relations avec les millions de catholiques chinois, en surmontant enfin les obstacles mis par le parti communiste qui refuse toute ingérence étrangère et a fait de la nomination des évêques un point de rupture. La Mongolie pourrait-elle jouer les intermédiaires ? Rien n’est moins sûr. Les Mongols ont jadis régné sur la Chine, mais ce passé est lointain. En exploitant la rivalité entre la Russie tsariste et l’Empire chinois, la Mongolie s’est perdue, assistant à la dislocation de son territoire dont une partie est devenue la région autonome (chinoise) de Mongolie-Intérieure et l’autre la République (populaire) de Mongolie. La dépendance économique des Mongols à l’égard de la Chine leur fait craindre aujourd’hui pour leur indépendance. Aussi les voit-on mal servir de médiateurs.
Le Pape a survolé la Chine pour arriver en Mongolie. Rien ne donne à penser qu’il pourra, un jour prochain, y atterrir.