Hongrie: une petite banque russe aux allures d’officine des services de renseignement
Publié le 03-11-2019 à 10h20 - Mis à jour le 03-11-2019 à 10h21
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Son arrivée à Budapest s’inscrit dans un contexte de tension accrue avec Washington. La stratégie d’"ouverture vers l’Est", théorisée par l’ancien parti d’extrême droite Jobbik et mise en application par le gouvernement de Viktor Orbán, a conduit, la semaine dernière, à la quatrième visite de Vladimir Poutine en Hongrie depuis 2015. En toile de fond de cette rencontre diplomatique, il y a l’installation, l’été dernier, à Budapest, de la Banque internationale d’investissement (IIB), une institution financière de taille très modeste, mais qui suscite de grandes inquiétudes de la part des partis d’opposition, et encore plus des États-Unis. "Le déménagement du siège de l’IIB de Moscou à Budapest fait craindre que la Russie utilise cette organisation pour étendre son influence néfaste en Hongrie et plus largement dans la région", a déclaré l’ambassade des États-Unis en Hongrie au média hongrois Direkt36.
Dans une lettre adressée, le 24 septembre, à l’ambassadeur des États-Unis en Hongrie, David Cornstein, dix sénateurs américains, dont l’ancien candidat à la présidence Bernie Sanders, faisaient part de leur préoccupation concernant "le soutien à la Russie du gouvernement autocratique de Viktor Orbán". Ils pointaient aussi du doigt le transfert de l’IIB, "largement considérée comme une branche des services secrets russes, et dont le président a des liens de longue date avec les services de renseignement russes".
Comme beaucoup, les sénateurs craignent que cette institution, l’héritière légale de la banque du COMECON (la zone économique formée jadis par l’Union soviétique et ses satellites d’Europe de l’Est), réactivée par le Kremlin en 2012, n’abrite un nid d’espions. L’octroi par les autorités hongroises d’une immunité diplomatique au personnel de la banque n’est pas fait pour les rassurer.
Le fils d’un ancien officier du KGB
Pas plus que le pedigree du président de la banque, Nicolaï Kosov, dont le père était un officier de haut rang du KGB, et qui est un ami de longue date d’Andreï Kostin, président de la deuxième plus grande banque de Russie (VTB), frappée par les sanctions américaines et européennes.
Il a même été question que la banque prenne ses quartiers juste en face des fenêtres de l’ambassade américaine, sur la place de la Liberté, avant que les Russes ne se ravisent, jugeant les locaux inadaptés.
"Nous ne sommes pas des espions. Ces rumeurs sont stupides et sans fondement", a martelé le vice-président de l’IIB, Georgiy Potapov, dans le journal Népszava. Selon lui, le déménagement à Budapest s’explique par des raisons logistiques et ses employés profiteront du "type d’immunité à laquelle une banque de développement internationale ou une organisation internationale a droit dans un autre pays. Pas plus, pas moins".
En froid avec Washington
Le gouvernement hongrois fait valoir, de son côté, que "le transfert du siège en Hongrie renforcera le rôle de Budapest en tant que centre financier international". Mais la proximité de Viktor Orbán et Vladimir Poutine a jeté le doute sur la loyauté de la Hongrie vis-à-vis de ses alliés de l’Otan. Les États-Unis reprochent, par exemple, au gouvernement hongrois d’avoir permis à des citoyens russes de contourner les sanctions américaines et européennes en leur délivrant des "visas dorés".
Autre hiatus dans les relations américano-hongroises : en août 2018, Budapest a choisi d’extrader vers Moscou plutôt que Washington deux trafiquants d’armes russes arrêtés deux ans plus tôt à Budapest par la police hongroise et la DEA américaine.