Brexit: l'adieu britannique au Parlement européen
L’accord de retrait sera approuvé par le Parlement, mercredi. Au grand dam des Britanniques pro-UE. So be it. Qu’il en soit ainsi, en version française. Ce mercredi en début de soirée, le Parlement européen adoptera, sans surprise, ni suspense, le rapport Verhofstadt recommandant à la plénière d’approuver l’accord de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. Le feu vert du Parlement est nécessaire, afin que le 31 janvier à minuit, heure de Bruxelles, le Brexit se déroule de façon "ordonnée". Pour les 73 eurodéputés britanniques, ce sera la dernière séance - ils devraient être peu nombreux jeudi, à débattre du programme de travail 2020 de la Commission.
Publié le 29-01-2020 à 06h37 - Mis à jour le 30-01-2020 à 11h12
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L’accord de retrait sera approuvé par le Parlement, mercredi. Au grand dam des Britanniques pro-UE.
So be it. Qu’il en soit ainsi, en version française. Ce mercredi en début de soirée, le Parlement européen adoptera, sans surprise, ni suspense, le rapport Verhofstadt recommandant à la plénière d’approuver l’accord de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. Le feu vert du Parlement est nécessaire, afin que le 31 janvier à minuit, heure de Bruxelles, le Brexit se déroule de façon "ordonnée". Pour les 73 eurodéputés britanniques, ce sera la dernière séance - ils devraient être peu nombreux jeudi, à débattre du programme de travail 2020 de la Commission.
Les groupes politiques ont commencé à prendre congé de leurs membres venus d’outre-Manche. Lundi, Renew Europe a dit farewell à ses 16 membres libéraux-démocrates. Ce mercredi, le groupe des socialistes et démocrates organise une réception - "sans champagne, parce qu’il n’y a rien à fêter", précise-t-on - pour saluer ses dix travaillistes. L’attelage Verts/Alliance libre européenne qui compte en son sein des écologistes et des indépendantistes écossais du SNP, a programmé en soirée un ceilidh (un bal de danses traditionnelles écossaises). Les quatre élus conservateurs se font discrets.
Pour les 23 députés du Brexit Party de Nigel Farage en revanche, chaque jour est une fête, depuis que la victoire du Premier ministre conservateur Boris Johnson, lors des élections générales anticipées du 12 décembre, a écarté la "menace" de la tenue d’un second référendum sur la sortie de l’Union. La séance de mercredi leur donnera l’occasion d’un dernier tapage dans l’hémicycle, ainsi qu’ils l’ont fait à Strasbourg, il y a quinze jours, à la manière de supporters de foot victorieux.
Prière de laisser cet endroit…
L’heure des premiers adieux avait en effet déjà sonné à la mi-janvier, lors de la dernière session plénière strasbourgeoise avant le Brexit. Le lundi 13, les élus britanniques avaient été conviés à une séance d’informations sur la fin de leur mandat. Pour autant qu’ils aient siégé au moins six mois, les partants percevront une indemnité de départ d’un montant égal à leur salaire pendant un nombre de mois équivalent à leur nombre d’années de mandat - 9 mois pour 9 ans de présence dans l’hémicycle, par exemple. Nigel Farage, eurodéputé depuis vingt ans s’est plu à jouer les grands seigneurs, laissant entendre qu’il ne les réclamerait pas.
Ont également été abordées la question des staffs, les considérations logistiques et la to-do-list de la fin de leur mandat. Sur celle-ci figure la remise des badges, clés, pass SNCB, équipements informatiques portables, ainsi que l’évacuation de leur bureau. Celui de Strasbourg devait être libéré le 16 janvier, celui de Bruxelles le 7 février. Chaque élu disposera de quinze malles qui, sur demande, seront rapatriées par les soins du Parlement. "Strasbourg, ce sera vite fait. On a toujours fait du camping ici", expliquait le 15 janvier Richard Corbett, dans son minuscule bureau sis au cinquième étage de "la tour" du siège alsacien.

Député européen depuis 1996 (hormis une période de quatre ans, au cours de laquelle il a été conseiller du président du Conseil européen Herman Van Rompuy), le travailliste est habité par un mélange "de tristesse et de colère", comme il l’explique dans un français parfait. "On n’aurait jamais dû aboutir à une telle situation. On était près, au mois d’octobre, de retourner la situation. Johnson était coincé : il n’avait pas de majorité pour faire approuver l’accord de retrait, ni organiser les élections. Mais au final les Lib-Dem et le SNP ont marqué leur accord pour une élection, déplore Richard Corbett. Boris Johnson n’a recueilli que 43 % des voix, mais avec notre système électoral, il obtient une large majorité et il a éliminé les critiques, alors que 53 % des gens ont voté pour des partis favorables à un second référendum. Même après les élections, les sondages donnent une majorité contre le Brexit. C’est dingue", soupire-t-il.Et de lancer une pierre dans le jardin du leader sortant du Labour, Richard Corbyn, pour avoir échoué à proposer un message clair sur ce qu’il ferait du dossier Brexit s’il était élu. "Personne ne comprenait notre position", souffle-t-il. Ce mercredi, Richard Corbett votera contre l’accord, comme il l’a fait, le 23 janvier, en commission des Affaires constitutionnelles.
"J’ai fait plus ici que je ne l’aurais fait à Westminster"
Ce jour-là, en "Afco", la libérale-démocrate Catherine Bearder avait aussi voté "no". Elle en fera de même aujourd’hui, comme elle l’avait confié à La Libre, à Strasbourg. Son bureau alsacien était aussi étriqué que celui de M. Corbett, mais sa fenêtre donnait sur l’Ill, la rivière qui baigne les abords du Parlement, dans laquelle se reflétait un beau soleil d’hiver. Sur la porte était affiché un panneau "Bollocks to Brexit" (que l’on se gardera de traduire), qui existe en version autocollant, que la députée distribue volontiers. Elle aussi a espéré que le Brexit puisse être enrayé. "Je me suis battue pendant quatre ans. Quand on a vu les sondages à la sortie des urnes, on a compris que c’était fini."
Pour Catherine Bearder, le temps de la retraite est venu. "J’ai 71 ans. J’avais prévu d’être députée pendant dix ans, je suis restée onze ans. Je ne regretterai ni les voyages, ni le changement d’heure, mais tous les amis que je me suis faits au cours de ces années." Elle quitte l’institution avec "un sentiment doux-amer. Je suis fière de ce que j’ai accompli en tant que questeur (les députés qui s’occupent des questions administratives et financières touchant leurs pairs) , ou comme rapporteur du plan d’action contre le trafic des espèces sauvages. J’ai fait plus ici que je n’aurais pu le faire à Westminster. Mais il y a cette chose affreuse et stupide qu’est le Brexit". Avec ironie, elle s’inquiète "de ce qui arrivera à la langue anglaise dans ce Parlement quand nous serons partis".
Le Parlement européen est une institution largement méprisée outre-Manche, mais Richard Corbett est l’un de ses plus ardents défenseurs et souligne que "les députés britanniques ont beaucoup contribué à accroître son pouvoir". Au début des années 90, Richard Corbett était l’assistant du député David Martin, rapporteur sur le traité de Maastricht. "On a écrit la première mouture de la procédure de codécision (qui donne au Parlement un rôle de législateur sur la quasi-totalité des compétences de l’UE) à la main, dans son bureau. Et c’est arrivé dans les traités", se rappelle-t-il avec émotion. "On en apprend chaque jour en travaillant avec des collègues de vingt-huit pays. Et ici, c’est un vrai Parlement, parce qu’on y parle et que cela a un impact, insiste-t-il. Quand la Commission fait des propositions, on les amende, il faut construire des majorités point par point, alors que dans certains pays, comme le Royaume-Uni, le Parlement est entièrement soumis à l’exécutif."
Députée à part entière, bien qu’en sursis
Le parcours parlementaire de l’écologiste Alexandra Phillips est plus court. Elle a été placée sur les listes en dernière minute, quand il est apparu que le report du Brexit obligeait le Royaume-Uni à organiser des élections européennes. "J’ai travaillé comme si j’allais être là pour cinq ans, mais c’était assez stressant parce qu’on était dans l’incertitude", expose-t-elle. Elle a choisi de concentrer son attention sur le Pacte vert européen et a notamment contribué à établir un intergroupe pour travailler sur ce sujet.
Alexandra Phillips se félicite que le groupe des Verts l’ait considérée comme une députée à part entière, alors qu’elle était en sursis. "J’ai reçu du temps de parole lors de la mini-plénière au cours de laquelle (le vice-président de la Commission) Frans Timmermans est venu présenter le Green Deal, alors que beaucoup d’autres membres du groupe auraient souhaité parler ce jour-là." Celle qui est aussi maire de Brighton and Hove ne désespère pas qu’un jour, une campagne de réadhésion soit lancée dans son pays. "On ne peut clairement pas le faire maintenant, mais c’est dans l’intérêt du Royaume-Uni et de l’Europe dans son ensemble."
"Ce n’est qu’un au revoir"
Le mandat de Christophe Allard a, lui aussi, été assez bref. Ce Français installé à Aberdeen a été élu en mai sous les couleurs du Scottish National Party. Sa dernière intervention à Strasbourg a eu lieu lors du débat sur… l’avenir de l’Europe. "Notre cas est un peu différent, parce que l’Écosse a un futur dans l’Union européenne qui, a priori, va se concrétiser cette année avec le référendum d’indépendance." L’exécutif écossais compte l’organiser dans la deuxième moitié de 2020, six ans après le référendum perdu de 2014.
Et de rappeler, malicieux, que la chanson Ce n’est qu’un au revoir est une adaptation de Auld Lang Syne, la ballade écossaise du poète Robert Burns.
