Libye : L’Union européenne se tire une balle dans le pied
Depuis plusieurs semaines, les Vingt-sept tentent de s’accorder sur la manière dont l’Union peut contribuer à résoudre le conflit libyen. Ce sera encore le cas ce lundi, à l’occasion d’une réunion des ministres européens des Affaires étrangères. Et, comme depuis plusieurs semaines, les discussions risquent de se terminer sur un échec.
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Publié le 17-02-2020 à 11h27 - Mis à jour le 17-02-2020 à 19h16
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Depuis plusieurs semaines, les Vingt-sept tentent de s’accorder sur la manière dont l’Union peut contribuer à résoudre le conflit libyen. Ce sera encore le cas ce lundi, à l’occasion d’une réunion des ministres européens des Affaires étrangères. Et, comme depuis plusieurs semaines, les discussions risquent de se terminer sur un échec.
Les États membres butent plus particulièrement sur la question de raviver l’opération Sophia et de redéployer des navires en Méditerranée afin de veiller au respect de l’embargo sur les armes visant la Libye. C’est une des seules pistes de l’Union pour faire partie de la solution ou du moins pour donner l’illusion qu’elle n’est pas totalement inaudible dans ce conflit qui se déroule à ses portes et où d’autres puissances, comme la Russie et la Turquie, ont placé leurs pions. Les Européens le savent : sans navires, ils laissent la mer et le pouvoir d’influence aux autres acteurs internationaux.
Mais les Vingt-sept ne perdent pas le Nord. Malgré la conclusion à Berlin d’un accord international sur la pacification de la Libye et le vote d’une résolution du Conseil de sécurité de l’Onu, ils perpétuent leur traditionnelle querelle intestine sur la migration. En effet, quand bien même la mission de l’opération Sophia serait de surveiller la flore marine de la Méditerranée, les navires devraient malgré tout porter secours, en vertu du droit maritime, aux migrants en détresse qui fuient l’enfer libyen par la mer. On aura beau définir, redéfinir et limiter le mandat de l’opération Sophia - qui n’a d’ailleurs jamais été de porter secours aux migrants - à la surveillance de l’embargo sur les armes, cette obligation internationale s’appliquera toujours. Voilà qui ne fait pas les affaires des Européens.
L’Italie avait déjà exprimé ses inquiétudes quant à l’endroit où seraient débarqués les migrants sauvés en mer. Entendez : pas tous dans ses ports. Récemment, l’Autriche a annoncé qu’elle poserait son veto au redéploiement de navires en Méditerranée. S’inquiète-t-elle de voir débarquer des migrants sur ses côtes ? Non, puisqu’elle n’en a pas. Refuse-t-elle de prêter ses navires à l’opération ? Non plus, elle n’a pas de force navale. Pour le chancelier Sebastian Kurz, c’est une question de principe : placer des navires en mer inciterait les migrants à prendre la route vers l’Europe. Une théorie aussi vieille que la crise migratoire et jamais démontrée. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borell, a maintes fois rappelé que le nombre de personnes tentant la traversée vers le Vieux Continent a diminué lorsque l’opération Sophia était présente en Méditerranée. En vain.
La logique est on ne peut plus absurde : sans bateaux en mer, la surveillance de l’embargo sur les armes est peu efficace. Les moyens satellitaires et aériens ne suffisent pas. Les armes continueront à alimenter le conflit. Si celui-ci s’embrase, il poussera sur la route même des migrants qui s’étaient construit une vie en Libye et n’avaient pas vocation à partir vers l’Europe. À tergiverser, l’Autriche - et toute l’UE - se tire une balle dans le pied. Mais le bon sens n’est plus, depuis longtemps, au menu des discussions migratoires. Pour convaincre les États membres réticents à raviver l’opération Sophia, le plan est plutôt de les rassurer sur le fait que les routes des migrants et celles des armes sont différentes. Et donc que les navires européens risqueront peu de sauver des vies en mer.