François Fillon est attendu ce lundi devant les juges
- Publié le 24-02-2020 à 07h06
- Mis à jour le 24-02-2020 à 12h11
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L’ancien Premier ministre est jugé dans l’affaire des faux assistants parlementaires.
C’est sans doute l’évènement judiciaire le plus attendu de ce début d’année 2020. Ce lundi 24 février, débute le procès de François Fillon. Une audience qui va replonger les Français dans l’ambiance si particulière de la campagne électorale de 2017, lorsque le candidat des Républicains, largement en tête dans les sondages, avait été rattrapé par la justice. C’est l’affaire des "faux assistants parlementaires", dans laquelle l’ex-député de la Sarthe est accusé d’avoir fait bénéficier son épouse d’un emploi fictif comme collaboratrice à l’Assemblée nationale. La déflagration avait finalement eu raison de la candidature de l’ancien Premier ministre, qui échouait au premier tour en troisième position, avec 20 % des suffrages.
Après plus de deux ans d’instruction, François Fillon comparaîtra donc devant le Tribunal Correctionnel de Paris jusqu’au 11 mars, pour des faits de détournement de fonds publics - l’Assemblée nationale, qui s’est portée partie civile, lui réclame plus d’un million d’euros - ainsi que de complicité et recel d’abus de biens sociaux. Son épouse sera également sur le banc des accusés, de même que son ancien suppléant dans la Sarthe, Marc Joulaud.
Nouvelle vie
Avec le recul du temps, les esprits se sont quelque peu apaisés. François Fillon a changé de vie : il a quitté la vie politique, et est devenu associé au sein de la société de gestion Tikehau Capital. L’ex-député de la Sarthe a également presque entièrement disparu des médias, où il n’intervient que très rarement. Une exception : le 30 janvier dernier - trois ans jour pour jour après sa première audition par la justice - François Fillon est intervenu sur France 2, lors de l’émission "Vous avez la parole" - afin de livrer sa part de vérité. Une manière pour lui de se défendre à nouveau des accusations portées contre lui. L’ancien Premier ministre, sentant remonter à la surface quelque chose de l’ambiance de chasse à courre qui régnait à l’époque - avec notamment, en plus du procès, la parution de livres qu’il considère comme autant d’attaques - s’est senti tenu de prendre la parole.
Sur le fond, l’argumentaire n’a pas changé. Il estime avoir été l’objet "d’une justice entièrement à charge". "À la minute où cette affaire a été engagée, il avait été décidé par le parquet national financier de m’empêcher de gagner cette élection", a-t-il martelé, maintenant ainsi la ligne de défense qui était la sienne durant la campagne. Avant de poursuivre : "Jamais on n’a vu un juge nommé et, quatre jours après, me convoquer pour une mise en examen, sans même avoir ouvert le dossier ou les pièces qui pouvaient m’innocenter."
Certaines "erreurs"
Sur la forme, cependant, Fillon s’est montré plus apaisé, comme si la patine du temps avait permis de cautériser certaines plaies. Il a ainsi reconnu certaines erreurs, comme celle d’avoir accepté de se faire offrir deux costumes, pour une valeur de 13 000 euros. Une révélation qui avait pesé lourd dans la campagne, rendant plus difficile pour ses partisans de défendre l’image d’un Fillon entièrement insensible aux questions d’argent. Lors de l’émission, Fillon, aujourd’hui âgé de 65 ans, a également maintenu qu’il n’était pas question pour lui de revenir en politique. "Dans la défaite, le chef se retire sans chercher d’excuses, a-t-il répété. Je ne chercherai pas à revenir." Sa hantise : que l’on pense que l’émission de France 2 serait pour lui un moyen de préparer un possible retour au sein des Républicains. Sans doute se souvient-il aussi que c’est son acharnement à maintenir sa candidature à tout prix, qui, à l’époque, avait suscité des attaques redoublées à son égard. Il estime cependant n’avoir rien à se reprocher de ce point de vue. À ses yeux, aucun des possibles candidats de droite de l’époque, n’aurait eu la "moindre chance" de le remplacer victorieusement. "À aucun moment, il n’y a eu de solution de remplacement", a-t-il assuré, se souvenant malgré tout avoir été très près de renoncer, au moment de son meeting au Trocadéro, à Paris. Mais s’il a tenu à formellement démentir les rumeurs d’un retour à la vie politique, Fillon a également voulu, à la veille de son procès, laver son honneur bafoué. En rappelant notamment, les près de quarante années passées au service de l’intérêt général, qu’il refuse de voir effacées par les affaires.
Avant un procès qui s’annonce comme une épreuve, François Fillon, amateur de courses automobiles, a voulu démontrer qu’il conservait un tempérament de gagneur. Ses proches, qui l’ont vu extrêmement abattu après la campagne de 2017, décrivent un homme redevenu combatif. Refusant de se laisser abattre, Fillon aborde l’échéance judiciaire avec à l’esprit, l’idée de démontrer coûte que coûte son innocence (voir ci-contre). L’ancien Premier ministre dit vouloir profiter du procès afin, pour la première fois, de "pouvoir produire [mes] preuves, mes évidences." François Fillon espère que le cénacle judiciaire lui permettra, à l’abri autant que faire se peut du déferlement médiatique, de démontrer qu’il était bel et bien innocent des accusations portées contre lui. "Il n’y a jamais eu d’emplois fictifs", a-t-il maintenu, lors de l’émission de France 2, précisant que son épouse était sa "première et principale collaboratrice". Et de conclure : "les preuves seront apportées durant le procès."
Un jugement très attendu
La décision du tribunal sera évidemment observée avec un intérêt tout particulier. Il sera sans doute difficile à l’institution judiciaire de déclarer Fillon innocent, compte tenu des conséquences politiques immenses qu’a eu à l’époque sa mise en examen. Mais la cour tiendra à juger en droit les faits et les circonstances : Penelope Fillon a-t-elle, oui ou non, exercé l’emploi d’assistante parlementaire auprès de son mari ? Et si oui dans quelle mesure ? L’embauche par Fillon de membres de sa famille relevait-elle d’une pratique alors courante ? Dans quelle mesure l’ancien Premier ministre a-t-il franchi les bornes en la matière ? Autant de questions - davantage sans doute qu’un jugement moral ou politique sur l’homme - auxquelles le tribunal devra répondre.
La défense de François Fillon campe sur ses positions
Les avocats de l’ancien Premier ministre n’ont pas bougé d’un iota, s’agissant de la défense de leur client, depuis les débuts de l’affaire. Ils s’étonnent, d’abord, d’être systématiquement informés par la presse du degré d’avancement du dossier. Le signe à leurs yeux d’une déformation du fonctionnement judiciaire en défaveur de leur client.
Ils s’étonnent, ensuite, du calendrier de la procédure. S’agissant bien sûr, de la mise en examen accélérée de leur client, fin janvier 2017, alors que ce dernier sortait d’une primaire à droite remportée haut la main, qui lui permettait d’espérer accéder à l’Élysée en mai. Mais ce n’est pas tout : alors que la décision de renvoyer l’ex-Premier ministre devant le Tribunal correctionnel a été prise en avril dernier, le procès se tiendra donc en février, soit dix mois après. Un délai qui peut paraître important, mais qui n’est pas forcément usuel dans ce type d’affaires, aux yeux des avocats de la défense. “Les délais d’audiencement sont parfaitement anormaux, confiait en avril dernier un des avocats du couple Fillon. Ce type d’affaires est habituellement audiencé dans un délai d’un an voire un an et demi.”
Par ailleurs, toujours sur le fond, la défense de l’ancien député de la Sarthe est également demeurée inchangée. Elle estime qu’il n’y a eu ni emploi fictif, ni détournement de fonds publics, car Pénélope Fillon a bel et bien exercé l’activité d’assistante parlementaire auprès de son mari. Ce dernier a toujours plaidé que son épouse était sa principale collaboratrice : selon Fillon, elle aurait tenu un rôle d’autant plus important localement que lui était de plus en plus pris par ses activités parisiennes.
Enfin, sur la forme, les défenseurs du couple ont réclamé un report à mercredi du début du procès, “en soutien au mouvement de grève des avocats contre la réforme de leur régime autonome de retraite.” Ces derniers ont entamé une grève dure en janvier, entraînant le report de centaines d’audiences.
