En pleine crise de coronavirus, l'UE donne le feu vert tant attendu aux négociations pour intégrer Macédoine du Nord et Albanie
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- Publié le 24-03-2020 à 19h01
- Mis à jour le 24-03-2020 à 19h42
La Macédoine du Nord et l'Albanie obtiendront cette semaine le feu vert pour entamer les négociations d’adhésion à l'Union, après avoir passé respectivement six et ... quinze ans dans la salle d’attente européenne. “Je félicite de tout coeur ces pays. Cela envoie un message fort et clair aux Balkans occidentaux: votre avenir est dans l’UE”, s’est réjoui mardi le commissaire à l’Élargissement Oliver Varhelyi, à l’issue d’une réunion virtuelle des ministres des Affaires européennes, dont l’accord pour entamer ces négociations devra être entériné par les vingt-sept chefs d’État et de gouvernement jeudi.
“C’est la preuve que l’UE est prête à prendre des décisions stratégiques même dans des circonstances difficiles”, a poursuivi le commissaire en référence à la crise de coronavirus. Le processus d’élargissement a été remis sur les rails. La crédibilité de l'UE a été assurée.” “C’est une bonne nouvelle en ces temps sombres”, a aussi déclaré sur Twitter, Michael Roth, ministre d’État allemand pour l’Europe. Reste que cette décision significative risque, si pas de passer inaperçue, du moins de peu pallier le déficit d’image de l’Union dans les Balkans de l’Ouest, alors que la région attend une aide européenne pour affronter le défi du Covid-19 et qu’une date de lancement des négociations d’adhésion n’est pas encore fixée.
Une décision qui bénéficie de peu d’attention
“La Macédoine du Nord attend ce feu vert depuis quinze ans. Elle l’obtient à un moment où tout le monde s’en fout”, résume, ironiquement, une source des Balkans. “C'est un signal fort. Mais personne n’y accorde beaucoup d’attention dans le contexte actuel. Même en Macédoine du Nord, alors que cela a été son objectif depuis plus d’une décennie. Le fait de ne pas avoir pris cette décision plus tôt est une occasion ratée de restaurer la crédibilité de l’UE dans la région”, renchérit la chercheuse Simonida Kacarska, directrice de l’European Policy Institute de Skopje.
L’Albanie et la Macédoine du Nord, ainsi que la Commission européenne et plusieurs Etats membres, notamment d’Europe centrale et orientale, espéraient une telle décision déjà l’année dernière. Surtout qu’en 2019, la Macédoine avait accepté de changer de nom pour devenir “la République de Macédoine de Nord”, mettant fin à un vieux conflit avec la Grèce. La France, soutenue par une poignée d’autres Etats membres, avait cependant refusé en octobre de donner son feu vert aux négociations d’adhésion avec l’Albanie et la Macédoine du Nord, exigeant plus de réformes de la part de ces pays et surtout, un changement de la méthodologie d’élargissement. Un refus qui avait donné du grain à moudre aux nationalistes et forcé l’ex-Premier ministre de la Macédoine du Nord Zoran Zaev à convoquer des élections en avril, désormais reportées.
“Le ‘business as usual’ de l’approche européenne de l'élargissement ne donnait pas beaucoup de résultats. Ni Tirana ni Skopje ne voulaient des négociations aussi longues que celles de la Serbie ou du Monténégro (qui durent respectivement depuis 2014 et 2012, NdlR). Mais la manière dont la France a exposé ses exigences a été abrupte. Et ses justifications ont suscité des inquiétudes quant à l’idée d’élargissement en soi”, analyse Mme Kacarska.
De son côté, Paris se défend d’avoir posé son veto, pointant du doigt les Etats membres qui cachent leurs réticences et leur perte d’appétit pour l’élargissement derrière la position française. Le fait est que la nouvelle méthodologie mise sur la table en février par la Commission, et qui consiste à rendre le processus d’élargissement plus efficace, politique, progressif et surtout réversible, a été accueillie favorablement tant du côté des Vingt-sept que du côté des Balkans. En février, le président Emmanuel Macron s'est montré plus ouvert à l'idée d'ouvrir des négociations avec Skopje et Tirana. Aujourd'hui, la France estime que les réformes nécessaires ont été réalisées par les deux pays et se dit satisfaite de la méthodologie proposée.
L’enjeu de la solidarité européenne face au coronavirus
Le Conseil a donc pu s’accorder pour “ouvrir les négociations d’adhésion", avec la Macédoine du Nord et l’Albanie. A la demande de l’Allemagne, des Pays-Bas et du Danemark, Tirana devra cependant réformer sa loi électorale et renforcer la lutte contre la corruption, avant la tenue de la conférence intergouvernementale qui lance le processus d’adhésion. Les Vingt-sept exigent aussi que le pays s’attaque au “phénomène des demandes d'asile infondées” de ses citoyens dans l’UE. “Ces conditions sont strictes et justes”, a estimé M. Varhelyi.
Jeudi, lors d’un sommet européen virtuel, les chefs d’Etat et de gouvernement devront approuver ce feu vert à travers une procédure écrite. La Commission préparera ensuite le cadre de ces négociations. Mais la date de leur début reste une inconnue, notamment dans ce contexte d’épidémie. “Sans date précise, les citoyens (macédoniens) risquent de voir le verre à moitié vide plutôt qu’à moitié plein. A nouveau, l’Europe sera concentrée sur ses problèmes internes, même si pour une fois c’est plus que compréhensible”, prédit Mme Kacarska.
Si la nouvelle méthodologie d’élargissement est censée accélérer le processus, il faudra sans doute des années avant que l’Albanie et la Macédoine du Nord rejoignent le club européen. En attendant, dans les Balkans, “la confiance envers l’UE dépendra de la manière dont l'UE se positionnera à l’égard des pays candidats, face au défi du coronavirus”, estime Mme Kacarska.
La Commission a mobilisé 30 millions d’euros pour aider les pays des Balkans à se doter de matériel médical pour faire face à l’épidémie de Covid-19, mais les mesures décisives prises jusqu’ici par l’UE pour répondre à la crise de Covid-19 et ses conséquences concernent ses Etats membres. Selon Mme Kacarska, “cette nouvelle méthodologie de l’élargissement ne fonctionnera pas sans une volonté politique de l’UE de s’investir dans cette région. Et cette volonté politique sera testée dans la crise de coronavirus”.