L'Allemagne interdit les activités du Hezbollah sur son territoire: pourquoi et avec quelles conséquences?
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Publié le 14-05-2020 à 15h31 - Mis à jour le 14-05-2020 à 15h32
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Berlin s’est rallié à Washington et à Jérusalem. Pourquoi et avec quelles conséquences ?
La décision du gouvernement allemand, le 30 avril, d’interdire totalement sur son territoire les activités du Hezbollah, déclaré "terroriste" par Berlin, est passée un peu inaperçue. Mais elle a des conséquences importantes sur la façon dont l’Union européenne (UE) pourrait à court terme considérer le mouvement chiite libanais.
En 2013, seule sa branche armée avait été classée "organisation terroriste" par l’UE. Cette fois-ci, l’Allemagne ne fait plus la distinction et s’aligne sur les États-Unis, le Royaume-Uni, les monarchies du Golfe et surtout Israël, qui considèrent le Hezbollah, très actif en Syrie et au Liban, comme une menace directe pour sa sécurité.
L’avis d’un ancien du Mossad
"Auparavant, Israël considérait le Hezbollah comme un mouvement de guérilla. Maintenant, nous le considérons comme une opération iranienne, une organisation terroriste militaire. La distinction entre branches civile et militaire est, pour parler diplomatiquement, superficielle", commente Haim Tomer, ancien dirigeant du renseignement du Mossad et à la retraite depuis 2014.
Haim Tomer, qui s’exprimait mercredi lors d’un webinaire (séminaire en ligne), estime que les tables ont tourné en 2008, lors de l’élimination à Damas du chef militaire du Hezbollah, Imad Mughniyeh. "Hassan Nasrallah (l’actuel chef du Hezbollah, NdlR), Qassem Soleimani (abattu par un drone américain en janvier à Bagdad) et des leaders iraniens ont décidé de se venger", dit-il.
L’ex-dirigeant du Mossad estime que le Hezbollah a ensuite tissé un réseau à travers le monde. "I ls se déploient partout, là où ils peuvent trouver une cible et là où il est facile d’opérer, comme en Thaïlande, en Inde ou dans certains endroits en Afrique", ajoute-t-il. "Ils sont allés jusqu’en Géorgie, où ils ont tenté d’assassiner l’ambassadeur israélien."
Un tournant en Allemagne
L’Allemagne a changé de cap l’an dernier lorsque les partis de la majorité, chrétien-démocrate et social-démocrate, ont, avec l’appui des libéraux du FDP, demandé au gouvernement de bannir le Hezbollah. Pourtant, l’Allemagne n’a connu qu’un attentat lié au Hezbollah : l’assassinat d’opposants kurdes iraniens dans le restaurant Mykonos en 1992.
"Notre problème, c’est la recherche de fonds, une criminalité de clan, une structure de type mafieuse à la fois à Berlin et à Essen", explique Hans-Jakob Schlinder, directeur allemand du Counter Extremism Project. "Si vous étiez restaurateur libanais, vous n’aviez pas le choix. Si vous vouliez de la protection, vous deviez payer. Il y avait du racket, de l’extorsion de fonds, de la drogue et du blanchiment d’argent."
Le 30 avril, la police allemande a lancé une série de perquisitions dans des associations, dont des mosquées, pour signifier l’interdiction. Certains, y compris en Iran, considèrent la démarche allemande comme purement symbolique mais M. Schlinder ne le pense pas. Car, à partir du moment où le mouvement est considéré dans sa totalité comme terroriste, "les services secrets peuvent pénétrer les organisations, mettre des micros dans les appartements ou placer des virus dans les téléphones portables".
Dans le passé, l’Allemagne avait joué un rôle de médiateur entre Israël et le Hezbollah pour l’échange de prisonniers. Les regards sont aujourd’hui tournés vers la France, qui jusqu’ici a toujours voulu préserver le rôle politique et social que joue le Hezbollah au Liban, l’une des trois grandes forces du pays avec les maronites et les sunnites.
Une présence "assez modeste" en Belgique
En Belgique, la présence du Hezbollah est "assez modeste", estime Didier Leroy, chercheur à l’Institut royal supérieur de défense (IRSD). On retrouve ses sympathisants dans la communauté chiite libanaise. Elle s’active notamment dans des "niches économiques" classiques comme l’import-export de voitures d’occasion, le textile et les pierres précieuses. Ils sont actifs à Anvers dans le commerce entre l’Europe et l’Afrique de l’Ouest. Le Trésor américain a ainsi placé, en 2018 et 2019, sur sa liste des sociétés sanctionnées pour liens présumés avec le mouvement libanais chiite plusieurs firmes de la famille Bazzi établies à Anvers.