En Espagne, la pandémie de Covid-19 est devenue une arme politique contre Pedro Sanchez
Les applaudissements pour le personnel médical critiquaient les privatisations d’hôpitaux. La droite essaie de les remplacer par des concerts de casseroles contre le Premier ministre socialiste.
- Publié le 24-05-2020 à 19h43
- Mis à jour le 24-05-2020 à 19h44
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Les applaudissements pour le personnel médical critiquaient les privatisations d’hôpitaux. La droite essaie de les remplacer par des concerts de casseroles contre le Premier ministre socialiste.
La pandémie de Covid-19 est devenue une arme politique utilisée quotidiennement par l’opposition contre le gouvernement du Premier ministre Pedro Sanchez (PSOE, parti socialiste ouvrier espagnol). Samedi matin, au moins 15 000 personnes ont manifesté dans les principales avenues de Madrid, à l’appel de Vox (extrême droite), à bord d’environ six mille voitures formant ce que Santiago Abascal, président de Vox, a qualifié de "caravane pour la liberté".
C et usage des voitures privées et l’embouteillage qui en a résulté ont, en théorie, été organisés pour éviter l’obligation de porter des masques dans la rue quand la distance physique devient impossible à respecter. Mais de nombreux piétons-manifestants se sont placés sur les trottoirs d’une manière telle que la police madrilène a imposé 1 200 contraventions pour non-respect des normes de sécurité sanitaire en vigueur.
Les dirigeants de Vox menaient la manifestation sur un bus à impériale décapoté. Abascal a appelé tous les manifestants "à rester dans la rue". Pour maintenir la tension, des sympathisants de l’extrême droite sortent tous les jours dans certaines rues de plusieurs villes du pays en tapant sur des casseroles pour demander la démission de Pedro Sanchez, plusieurs fois qualifié par Vox de "chef de gouvernement illégitime" (sic).
Vox et le PP avaient soutenu l’instauration du confinement
Samedi, à part à Madrid, des manifestations similaires en voiture et à moto ont eu lieu dans quelques capitales de région comme Barcelone, Séville ou Bilbao. Le confinement avait pourtant été instauré, à la mi-mars, avec le soutien des parlementaires de Vox et du PP (Parti populaire, droite classique). Sa prolongation a ensuite été décidée par un vote majoritaire des députés, qui doit constitutionnellement avoir lieu tous les quinze jours.
La dernière fois, le 20 mai, Vox et le PP ont voté ensemble contre le renouvellement des mesures de confinement, qui sont peu à peu assouplies en fonction de la situation sanitaire. Celle-ci s’améliore visiblement, selon les statistiques quotidiennes de contagions et de décès : moins d’une centaine de morts du coronavirus par jour maintenant. Lors du pic de l’épidémie, ce chiffre arrivait à près d’un millier.
Vox et le PP tiennent un discours de plus en plus dur contre les mesures anti-pandémie. Selon eux, Pedro Sanchez applique "un état d’urgence de fait" qui dépasserait l’état d’alarme sanitaire autorisé par la Chambre. Et qui serait "en train de provoquer la ruine du pays".
Dérogation au droit du travail
Les mesures d’urgence contre les conséquences économiques du Covid-19 sont dans le viseur de ces critiques anti-Sanchez, particulièrement son projet de dérogation à la réforme du droit du travail adoptée sous le mandat (2011-2018) de l’ancien Premier ministre Mariano Rajoy (PP). Les milieux économiques expriment aussi leur inquiétude au sujet de ce projet et de la prochaine instauration d’un revenu minimum de réinsertion sociale.
Pour l’instant, Pedro Sanchez a obtenu un accord avec les patrons et les syndicats pour faire face aux problèmes immédiats de la crise du coronavirus. Cet accord vient en principe à échéance le 30 juin.
En dehors du terrain de l’économie, les partis de gauche sont de plus en plus inquiets de l’usage que l’extrême droite fait de la pandémie. Pendant les manifestations de samedi, plusieurs journalistes ont été attaqués. Le harcèlement et les menaces sur les réseaux sociaux contre des journalistes et certaines personnalités sont devenus monnaie courante.
Les manifestations au son des casseroles ont débuté, il y a quelques semaines, dans la rue madrilène Nuñez de Balboa, non loin des boutiques de luxe du quartier de Salamanca, le plus cher de la capitale. Avant cela, et au pire de la pandémie, les Espagnols sortaient en grand nombre sur leurs balcons, tous les soirs, pour applaudir les médecins, infirmières et personnels des hôpitaux comme des héros de la guerre contre la pandémie. À ces occasions, nombre de pancartes et calicots rappelaient les privatisations partielles d’hôpitaux sous les gouvernements de droite. Surtout à Madrid, principal foyer de Covid-19, aux moments les plus sombres.
Les médias sont accusés d’avoir rapporté avec complaisance ces premiers concerts de casseroles, qui ne réunissent pas grand monde jusqu’ici.
Selon un sondage récent du Centre d’investigations sociologiques (CIS, officiel), Vox aurait perdu près de 4 % d’intentions de vote par rapport aux élections de novembre 2019.