La présidence de l'Union européenne met l'Allemagne sous pression
L’Europe attend beaucoup de Berlin et de la chancelière Merkel.
Publié le 30-06-2020 à 15h30 - Mis à jour le 30-06-2020 à 15h31
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L’Europe attend beaucoup de Berlin et de la chancelière Merkel.
La présidence allemande du Conseil de l’Union européenne s’annonce comme un moment-clé pour l’Europe, l’Allemagne et la chancelière Angela Merkel. Hasard du calendrier, c’est en effet en pleine crise sanitaire, économique et sociale liée à la pandémie de Covid-19 que Berlin prend les rênes du Conseil des ministres de l’UE, ce 1er juillet. Si cela avait eu lieu un an plus tôt, la pression n’aurait jamais été aussi forte sur les autorités allemandes. La chancelière l’a reconnu, le 17 juin, devant les députés du Bundestag. "Cette pandémie est le plus grand défi de l’histoire de l’Union européenne. Les attentes de nos partenaires européens sont très fortes. Nous le savons", a-t-elle constaté. "Jamais la solidarité et la collaboration n’ont été aussi importants", a ajouté Angela Merkel en évoquant un projet européen "vulnérable", qu’il faut "sortir de la crise" et "améliorer" afin "de rendre l’Europe apte à affronter l’avenir". Bref : "Cette présidence est un grand défi."
Le plan de relance, objectif prioritaire
Même si la chancelière ne le dit pas, cette présidence - la deuxième de sa carrière - revêt une symbolique particulière pour elle, à un an de son départ annoncé de la scène politique nationale et seize années passées au pouvoir. "Angela Merkel ne se préoccupe pas de sa place dans les livres d’histoire mais cette présidence va indéniablement marquer l’ensemble de son travail", analyse Claire Demesmay, de l’Institut allemand de politique étrangère (DGAP) de Berlin. "Si elle échoue à animer les négociations et à trouver un accord ambitieux et rapide pour répondre à la crise, sa crédibilité et celle de l’Allemagne en pâtiront. Et inversement", juge cette spécialiste.
Le temps presse en effet. Au-delà du budget européen 2021-2027 à boucler, de l’accord à trouver avec le Royaume-Uni sur les relations post- Brexit, cette "présidence dite corona" veut obtenir, le plus vite possible, un accord des Vingt-sept sur le plan de relance économique commencé par le couple franco-allemand, largement repris puis élargi par la Commission européenne. Cette dernière propose d’emprunter au nom de l’Union 750 milliards d’euros sur les marchés qui viendront abonder le budget communautaire et qui seront destinés aux pays les plus touchés par la crise provoquée par le Covid-19. Quelque 500 milliards d’euros prendront la forme de subventions et 250 milliards de prêts. Berlin se donne jusqu’à la fin juillet pour trouver un accord, notamment avec les pays les plus réticents, l’Autriche, les Pays-Bas, le Danemark et la Suède.
Ce plan de relance est une révolution. Pour la première fois, l’idée d’une mutualisation des dettes est clairement soutenue par une majorité des États membres, dont l’Allemagne, longtemps opposée à l’idée.
Athènes s’en rappelle. Au moment de la crise grecque en 2010, le gouvernement d’Angela Merkel et celui qui était alors son ministre des Finances de la zone euro, Wolfgang Schäuble, le père fouettard de la zone euro, avaient freiné des quatre fers sur ce dossier, refusant de payer, sans contrepartie, pour un pays accusé de ne pas avoir réformé son économie.
Mener, sans dominer
Aujourd’hui, Berlin ne fait plus de leçon de morale. "Contrairement à la crise grecque, cette crise n’est pas créée par l’homme mais par un virus. On ne peut en reporter la responsabilité sur personne", rappelait récemment à La Libre Janis Emmanouilidis, directeur d’études au Centre de politique européenne (EPC) à Bruxelles. Daniela Schwarzer, directrice du DGAP, approuve. "L’objectif de Berlin est clair : ne laisser personne derrière. C’est une question de solidarité mais aussi d’intérêts propres", souligne-t-elle.
Cette présidence de l’UE servira aussi de test pour le leadership allemand, même si, à Berlin, personne ne l’admet. "La présidence est un travail d’équipe et ne signifie pas que nous dirigerons l’UE pendant six mois", expliquait Michael Roth, secrétaire d’État chargé des Affaires européennes, début juin. "Notre mission n’est pas de dominer mais de construire des ponts pour trouver un accord", assure-t-il.
Cette retenue affichée contraste avec le poids économique et l’influence de l’Allemagne au sein de l’Europe. "S’ils sont conscients de leur influence, les Allemands ne la revendiquent pas, surtout dans un contexte où l’intégration européenne est censée mettre les États sur un pied d’égalité. Forcément toutefois cette présidence aura un impact sur leur leadership", note Claire Demesmay de la DGAP.
La crise du Covid-19 aura en tout cas eu déjà eu un effet inattendu : pousser l’Allemagne et Angela Merkel, peu connue pour son aspect visionnaire, à jouer un rôle des plus actifs pour l’UE.