La première journée de négociations du plan de relance et du budget européens s'est achevée dans un climat tendu, en raison de l'intransigeance de Mark Rutte
Ce n’est pas la peine d’insister quand la voie est impraticable. La première journée du sommet européen extraordinaire consacré au budget de l’Union pour 2021-2027 et au plan de relance de l’économie s’est achevée, vendredi vers 23h30, dans un climat tendu, après treize heures de négociations. Les travaux ont été suspendus jusqu’à ce samedi matin, 11 heures.
- Publié le 18-07-2020 à 07h48
- Mis à jour le 18-07-2020 à 12h54
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Le président du Conseil européen, Charles Michel, en a décidé ainsi après avoir constaté que le Premier ministre néerlandais Mark Rutte refusait de modifier d'un pouce sa position concernant la “gouvernance” de la Facilité de résilience et de relance (RRF). Plus imposant volet du plan de relance de 750 milliards, la “RRF” doit apporter, selon la proposition de la Commission, reprise telle quelle, par Charles Michel, quelque 310 milliards d’euros de subventions aux Etats membres pour favoriser la relance.
L'inamovible Mark Rutte
Chef de file du groupe des pays dits frugaux, qui compte aussi l'Autriche, le Danemark et la Suède, les Pays-Bas n’acceptent que du bout des lèvres le principe selon lequel le plan de relance accorderait une aide sous forme de subventions. Celles-ci bénéficieraient en premier lieu les pays du Sud, les plus affectés économiquement par les conséquences de la pandémie de Covid-19. Mark Rutte exige que ce ne soit pas la seule Commission européenne, mais les Etats membres, à l’unanimité, qui valident le déboursement des fonds après analyse des plans de relance soumis par chaque pays. “Solidarité, oui (...) Mais dans le même temps, on peut aussi demander à ces pays de faire tout ce qui est possible pour qu'ils résolvent (leurs problèmes) par eux-mêmes, la prochaine fois. Et cela vous le faites via des réformes du marché du travail, du système de retraite…”, a justifié le chef du gouvernement néerlandais, avant le début du sommet.
L’Italie et l’Espagne sont opposées à ce que les autres Etats membres disposent d’un tel pouvoir pour retoquer leurs plans de relance et leur dicter, par la bande, les politiques à mener.
Par ailleurs, de nombreuses délégations estiment que la demande néerlandaise aurait pour effet de ralentir exagérément le processus de décision et de retarder les déboursements, alors que le plan de relance a justement été conçu pour apporter une réaction rapide à la crise.
Pour tenter d'embarquer les Pays-Bas, Charles Michel a revu sa proposition initiale, suggérant que les chefs d’Etat et de gouvernement puissent se saisir de la question si les membres du Comité économique et financier de l’UE (les experts du Trésor de chaque Etat membre) ne parvenaient pas à approuver par consensus une recommandation de déboursement de la Commission. Ce n’était pas encore assez pour Mark Rutte qui est resté sur la position qu’il est le seul à tenir : l’unanimité (et donc la possibilité de mettre son veto) ou rien.
Rien n'est réglé, tout reste en suspens
Le jusqu’au-boutisme néerlandais a provoqué des crispations autour de la table, mais on aurait tort de penser que c’est le dernier obstacle à faire sauter avant d’obtenir un accord à l’unanimité su le cadre budgétaire et le plan de relance.
Les divergences restent nombreuses et profondes à l’issue des deux tours de table organisés par Charles Michel et des multiples réunions bi- ou multilatérales qui se sont tenues en marge de la session plénière, jusqu'au dîner, repoussé à 21 heures.
Le chancelier autrichien Sebastian Kurz a rappelé, via le réseau social Twitter que les frugaux, appuyés par la Finlande, refusent catégoriquement que la portion de subventions du plan de relance s’élève à 500 milliards, comme le préconisent la chancelière Merkel et le président Macron, la proposition de la Commission et la boîte de négociation de Charles Michel.
Se sentant tout particulièrement visé, le Premier ministre hongrois Viktor Orban ne veut pas entendre parler d’un lien quelconque entre l’attribution des fonds européens et le respect de l’état de droit. Il trouve un allié en son homologue polonais Morawiecki. En revanche, pour les autres Etats membres, ceux de l’ouest et du nord en particulier, la mise en place de ce mécanisme n’est pas négociable.
Ce n'est pas tout. Il faut encore trouver un consensus sur les clé de réparation des fonds de la Facilité de résilience et de relance. S’entendre sur le montant global du budget 2021-2027 et sur la question très sensible de la rabais de leur contribution dont les frugaux entendent continuer à bénéficier. Discuter de la création de nouvelles ressources propres pour le budget européen, étroitement liées au sujet du remboursement, par ce même budget, des emprunts européens qui financeront le plan de relance.
Il n’est pas certain que la journée du samedi suffira pour épuiser toutes ces questions. “Il y a une forte probabilité qu’il ne soit pas possible de conclure un accord demain ou dimanche”, a averti le Premier ministre polonais Morawiecki vendredi à l'issue de la réunion, laissant entendre qu'il serait peut-être nécessaire que les leaders se revoient plus tard en juillet.
Si le sommet se poursuit dimanche, la Première ministre belge Sophie Wilmès aura un conflit d’agenda : elle a convoqué une réunion du Comité de concertation, afin d'examiner la situation sanitaire et son évolution dans chaque partie du pays.