La Suède est-elle un paradis de l'immunité collective ?
La courbe des cas positifs au Covid-19 est repartie à la hausse en Suède.
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Publié le 14-10-2020 à 08h26 - Mis à jour le 14-10-2020 à 10h51
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Il y a un mois, la Suède était présentée comme une sorte de paradis de l’immunité collective. Les chiffres étaient bons. Les Suédois semblaient échapper à la deuxième vague qui s’amorçait en Europe. Un mois après, il faut déchanter. La courbe des cas de contaminations est repartie à la hausse.
Selon les chiffres donnés mardi par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), près de 100 000 Suédois ont été contaminés (contre plus de 150 000 en Belgique) et le pays enregistre un nombre de 584 décès par million d’habitants, autant qu’en Italie mais moins qu’en Belgique, où on comptabilise 878 décès par million d’habitants.
Une citation qui a fait le tour du monde
À la mi-septembre, de nombreux médias s’étaient entichés d’une courte déclaration d’un expert danois au quotidien Politiken, dans laquelle il affirmait que la Suède pourrait avoir développé une sorte d’immunité collective et endigué la pandémie. Sa citation a été répétée dans des centaines d’articles sur le Net, suscitant une vague d’espoir dans la population.
Aujourd’hui, Kim Sneppen, professeur de biocomplexité au Niels Bohr Institute de Copenhague, affirme "n’avoir pas été très content de cette citation". Interrogé par La Libre Belgique, il affirme avoir simplement voulu dire que les Suédois "avaient atteint un état durable avec un niveau épidémique déclinant depuis le 1er avril". Il ne ferme pas la porte à une immunité mais précise que la Suède "n’atteindra pas une immunité collective si elle autorise de grands rassemblements et des liens sociaux plus nombreux".
La Suède est l’un des rares pays qui ont pris peu de mesures restrictives face au coronavirus. Le port du masque n’est ni obligatoire, ni recommandé. Il n’y a pas eu de confinement. Seuls les rassemblements de plus de 50 personnes sont bannis. Les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont été tentés par cette approche, puis ont fait marche arrière.
Kim Sneppen assure que la hausse des contaminations de ce dernier mois reste "plutôt faible" avec un taux de reproduction du virus (R) "légèrement au-dessus de 1" et "pas encore suivi d’une augmentation des décès".
Le gouvernement suédois ne reste toutefois pas les bras croisés. Mardi, il a conseillé aux autorités locales de recommander aux citoyens d’éviter les maisons de retraite, transports collectifs, centres commerciaux, salles de gym et piscines pour deux semaines au moins.
Peu de débats en Belgique
Le débat sur l’immunité collective n’a jamais vraiment pris en Belgique. La plupart des experts n’y croient pas. Le professeur Jean-Luc Gala, chef de clinique à Saint-Luc a évoqué dans La Dernière Heure l’idée de laisser se développer une "immunité subcollective parmi les plus jeunes (enfants, adolescents, étudiants) chez qui le virus circule massivement mais qui cause très peu de formes graves" tout en protégeant au maximum les groupes à risques, dont les personnes âgées et les malades. Mais il n’est pas vraiment suivi.
Le coup de crosse de l’OMS
Le coup de crosse à cette stratégie a peut-être été donné le 12 octobre par le directeur général de l’OMS, qui, dans une déclaration particulièrement musclée, a douché les espoirs de ceux qui croient dans l’immunité. Celle-ci, dit-il, ne se construit pas "en laissant le virus se propager" mais en vaccinant la population. "Par exemple, l’immunité collective contre la rougeole exige que 95 % de la population soit vaccinée. Les 5 % restants seront protégés par le fait que la rougeole ne se répandra pas parmi ceux qui ont été vaccinés." "Jamais dans l’histoire de la santé publique l’immunité collective n’a été utilisée comme une stratégie pour répondre à une épidémie, sans parler d’une pandémie, poursuit l’Éthiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus. C’est scientifiquement et éthiquement problématique."
L’OMS croit qu’il est dangereux de laisser croître un virus dont on ne sait pas grand-chose. Les premières recherches indiquent que la défense immunitaire ne dure que "quelques semaines" et que des malades atteints du Covid-19 une fois peuvent l’être une seconde fois. L’OMS recommande dès lors d’éviter les contacts rapprochés, les rassemblements et de protéger les personnes les plus vulnérables.