Le Premier ministre espagnol accusé de pactiser avec les anciens de l’ETA pour faire adopter son budget
Le Premier ministre essuie des critiques de la droite, mais aussi de son propre parti.
Publié le 18-11-2020 à 20h44
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L’artillerie lourde a été sortie lors du débat budgétaire espagnol. "Votre parti qui compte [au moins] douze victimes du terrorisme de l’ETA a fait un pacte avec ceux qui n’ont pas encore condamné ces assassinats de vos propres camarades", a ainsi lancé Pablo Casado, président du Parti populaire (PP, droite), principal dirigeant de l’opposition, au Premier ministre Pedro Sanchez (PSOE, Parti socialiste ouvrier espagnol).
Au Congrès de députés, la Chambre basse, le plan Sanchez a recueilli un vote favorable : 198 votes pour, 150 députés contre. Le vote final sur le budget 2021 devrait avoir lieu en décembre. En attendant, le Parlement doit se pencher sur quelque trois mille amendements présentés par tous les groupes parlementaires, à l’exception du parti d’extrême droite Vox qui se contente de promettre une opposition tapageusecontre un "budget ruineux". Dans une Chambre fragmentée, les dépôts d’amendements se négocient entre groupes parlementaires. Pour le moment, la principale question à laquelle l’opposition voudrait avoir réponse est relative aux alliances que Sanchez est en train de négocier, ou pas, pour faire passer son budget.
Bildu est-il fréquentable ?
Parmi les onze partis qui soutiennent le gouvernement PSOE-UP (Unidas Podemos, gauche alternative), on trouve en effet Euskal Herría Bildu (Unir le Pays basque) qui compte cinq parlementaires aux Cortès. Les ministres concernés nient avoir conclu quelque pacte que ce soit avec Bildu, une coalition indépendantiste basque qui accueille une partie d’anciens de l’ETA (Le Pays basque et sa liberté). Son chef de file est Arnaldo Otegui, ancien militant de l’ETA, plusieurs fois emprisonné mais qui a aussi joué un rôle clé dans la disparition de l’organisation terroriste-séparatiste. Pourtant, on rappelle, surtout à droite que l’ETA aujourd’hui disparue causa presque 900 morts, des milliers de blessés et d’autres victimes pendant six décennies. Sans que ses branches politiques successives arrivent à se démarquer complètement des années d’attentats, de séquestrations et d’extorsions. Nonobstant, c’est peut-être Bildu et Otegui - considéré dans ses rangs comme l’équivalent du républicain nord-irlandais Gerry Adam - qui sont allés le plus loin dans la prise de distance avec le lourd passé de l’ETA.
Pour une bonne partie de l’opinion, ce n’est pas assez. Et les critiques contre Pedro Sánchez, mais aussi contre son vice-président Pablo Iglesias (Podemos) fusent depuis des semaines. Peut-on gouverner l’Espagne avec ceux dont l’objectif est de casser l’unité du pays ? Même au sein du PSOE, Alfonso Guerra, un dirigeant historique, a qualifié ces relations avec Bildu "d’absolument méprisables". Pedro Sánchez s’est défendu en mettant l’accent sur le fait que son parti est "celui qui a amené l’ETA à en finir avec la violence" [en 2011] et que la dissolution définitive de l’ETA a eu lieu [en 2018] quand le PSOE gouvernait de nouveau.
Podemos embarrasse Sanchez
À droite, tant le PP que Vox et les libéraux de Ciudadanos (C’s) continuent à prôner l’isolement total de Bildu. La gauche réplique en pointant le cynisme tant du PP que de C’s qui gouvernent deux régions importantes, Madrid et l’Andalousie, avec le soutien de Vox. Les porte-parole officiels répètent que dans la situation actuelle, le gouvernement est prêt à "négocier avec tout le monde". Sauf que cela semble difficile à cause des vetos croisés et mutuels.Par exemple, Inés Arrimadas, élue du parti jacobin Ciudadanos, n’écarte pas de négocier avec le gouvernement s’il retire sa proposition de nouvelle loi d’éducation qui réduirait le rôle "véhiculaire" [sic] du castillan (espagnol) dans les écoles. Inès Arrimadas considère qu’il s’agit d’une concession du Premier ministre aux séparatistes.
De son côté, Podemos a présenté par surprise un amendement important contre les expulsions de domicile en période de crise. Ici, certains rappellent à Pablo Iglesias qu’il fait partie de l’exécutif qui a présenté ce plan de budget 2021 et qu’il a un devoir de solidarité gouvernementale. Podemos a déposé cet amendement avec l’appui de Bildu et d’ERC (gauche républicaine de Catalogne). Et ceux-ci avouent qu’il s’agit "de tordre un peu la main du PSOE". Cela ressemble à un tir ami...