L’accord trouvé à la veille de Noël ne met pas fin à la saga du Brexit : quelles sont les prochaines étapes ?
Et maintenant ? L'accord trouvé la veille de Noël est loin de marquer la fin de la saga Brexit. En voici les prochaines étapes.
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Publié le 25-12-2020 à 20h07 - Mis à jour le 29-12-2020 à 23h32
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"Enfin, nous pouvons laisser le Brexit derrière nous. L’Europe passe à autre chose maintenant", a déclaré jeudi Ursula von der Leyen, "soulagée" de voir l’aboutissement de près de dix mois de négociations sur la relation future entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. On peut difficilement blâmer la présidente de la Commission européenne d’espérer ainsi tourner la page d’un divorce qui n’en finissait pas de finir, depuis que les Britanniques ont choisi de quitter l’UE en 2016.
En réalité, l’accord trouvé à la veille de Noël, à sept jours de la fin de la période de transition - au bout de laquelle le Royaume-Uni quittera le marché unique et l’union douanière - est loin de marquer la fin de la saga Brexit. S’il pose le cadre de la future relation (commerciale, mais pas uniquement) entre l’Union et le Royaume-Uni, l’accord fixe déjà… d’autres rendez-vous de négociations, notamment sur la pêche. Par ailleurs, il ne couvre pas d’autres domaines dans lesquels l’UE et Londres devront ou pourraient encore être amenés à collaborer, comme les finances. "On en a pour dix ans de négociations avec les Britanniques", prophétisait... il y a deux ans déjà, un diplomate européen.
Les services financiers en attente
Dans l’immédiat, le Royaume-Uni sera pressé de régler la question des services financiers, restée en suspens. Les institutions financières n’ont pas obtenu "autant" d’accès aux marchés européens "que nous l’aurions souhaité", a concédé jeudi le Premier ministre britannique Boris Johnson. Une fois que le Royaume-Uni quittera le marché unique, la City de Londres - dont les activités équivalent à 7 % de l’économie britannique - sera à la merci des autorisations obtenues de l’UE pour y servir des clients et leur vendre des services financiers. Ces "équivalences" sont accordées "de manière autonome", a insisté une source européenne jeudi. Entendez : l’UE ne compte pas négocier avec le Royaume-Uni à ce sujet. Les services financiers britanniques devront attendre, peut-être plusieurs mois, que l’UE décide unilatéralement de l’accès qu’ils peuvent avoir au marché unique. "C’est un processus évolutif", insiste la même source, soulignant qu’il s’agit de décisions au cas par cas. Notons que les accords d’équivalences seront réexaminés en permanence en fonction des réglementations britanniques en matière financière et de protection des données.
Si le Royaume-Uni et l’UE disposent désormais d’un accord commercial, cela ne signifie pas qu’ils ont fini de discuter de ce sujet. Au contraire. Prenez par exemple les règles dites "d’origine" qui déterminent la quantité de contenu d’un produit qui doit provenir d’un pays lié par l’accord (les Vingt-sept et le Royaume-Uni). Ce qui signifie aussi que les produits qui contiennent un seuil élevé d’intrants provenant d’autres pays que ceux de l’UE ou que le Royaume-Uni pourraient être soumis à de nouveaux droits de douane. De quoi anticiper déjà d’âpres débats à ce sujet.
De plus, l’UE et le Royaume-Uni fixeront, chacun de leur côté, leurs propres règles en matière d’indications géographiques, créées pour protéger la qualité et la réputation des denrées alimentaires issues d’une région particulière. L’accord prévoit donc un mécanisme spécial afin que les deux parties accordent, ultérieurement, leurs violons en la matière.
L’accord règle également l’épineuse question de la pêche. Du moins dans l’immédiat. Il est prévu qu’en 2026 - au bout de cinq ans et demi de transition, le temps que les pêcheurs européens s’adaptent à la nouvelle donne - le Royaume-Uni récupérera 25 % de la valeur des produits pêchés dans les eaux britanniques par les flottes de l’UE. À partir de 2026, l’accès des pêcheurs européens à ces eaux sera (durement) renégocié chaque année.
De manière générale, il faudra s’attendre à un dialogue constant - éventuellement influencé par des enjeux et débats politiques nationaux - entre les deux parties sur des questions qui peuvent affecter les termes de l’accord, telles que les aides d’État. L’UE et le Royaume-Uni se soumettront à un examen de la situation, après quatre ans, pour s’assurer qu’ils respectent tous deux les exigences prévues. Consciente des tensions qui pourront émerger à l’avenir, l’UE a tenu absolument à mettre en place un mécanisme de règlement des différends liés au non-respect de l’accord ou en cas de divergences entre les deux parties.
Des nouvelles coopérations à venir ?
Par ailleurs, il y a également des domaines dans lesquels Londres n’a pas voulu continuer à coopérer avec l’UE. Citons, par exemple, la politique étrangère, la sécurité extérieure et la défense, que le Royaume-Uni ne souhaitait pas inclure dans la négociation sur la relation post-Brexit avec l’UE. Les Britanniques ont également pris "la difficile décision" de quitter le programme européen d’échange étudiant Erasmus "extrêmement coûteux", a expliqué M. Johnson. L’accord conclu jeudi ne couvre pas non plus une éventuelle collaboration des Britanniques au système satellite européen de géolocalisation Galileo. Cela n’empêche pas Londres de changer d’avis et de chercher à nouveau à nouer des liens avec l’UE dans ces domaines à l’avenir…
L’accord doit encore passer par plusieurs phases pour pouvoir entrer en vigueur
Vendredi matin, le jour de Noël, les ambassadeurs des Vingt-sept auprès de l’UE se sont réunis pour examiner l’accord sur la relation post-Brexit. Afin qu’il puisse entrer en vigueur provisoirement dès le 1er janvier 2021, ce texte de 1 246 pages devra absolument être approuvé par les gouvernements des États membres, via le Conseil de l’UE, avant le 31 décembre à minuit, date à laquelle le Royaume-Uni quittera le marché unique et l’union douanière.
Le Parlement européen devrait pouvoir approuver l’accord début de l’année prochaine, faute d’avoir été en mesure de l’examiner et d’organiser une séance plénière en urgence à cet effet avant la fin 2020. En attendant, l’accord ne s’appliquera donc que de manière provisoire. Si les eurodéputés dénoncent le fait d’être ainsi mis au pied du mur, il est hautement improbable qu’ils se prononcent contre un deal âprement négocié pendant quatre ans et demi.
Du côté du Royaume-Uni, les députés britanniques ont été convoqués en urgence le 30 décembre pour approuver l’accord. Les législateurs britanniques goûtent peu d’être pressés de la sorte, d’aucuns rappelant qu’une loi importante est généralement soumise à un examen minutieux avant d’être adoptée, après plusieurs mois de procédure. Les conservateurs adeptes d’un Brexit dur n’ont pas manqué d’exprimer des réticences à l’égard du deal conclu. Reste qu’étant donné l’énorme majorité dont dispose le Premier ministre Boris Johnson aux Communes, il ne devrait pas rencontrer de difficultés significatives. Même le leader de l’opposition travailliste Keir Starmer a déclaré jeudi que son parti soutiendrait, à contrecœur, l’accord.