Le coup de sang à Madrid met en danger le fragile équilibre politique du gouvernement fédéral
Tout le fragile équilibre politique du gouvernement Sanchez est désormais menacé.
Publié le 15-03-2021 à 20h19
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La capitale de l’Espagne - et même tout le pays - traverse une série d’orages politiques. Le dernier coup de tonnerre a retenti lundi après-midi : Pablo Iglesias, principal dirigeant d’Unidas-Podemos (UP, gauche de la gauche), a annoncé qu’il quittait le gouvernement de coalition du Premier ministre Pedro Sanchez (PSOE). Pablo Iglesias, par ailleurs vice-Premier ministre depuis quatorze mois, devrait quitter l’exécutif avant le 18 avril pour devenir candidat aux élections régionales anticipées à Madrid.
La veille, dimanche - après cinq jours d’embrouilles politiciennes simultanées dans plusieurs régions du pays -, le Tribunal supérieur de justice de Madrid (TSJM) a confirmé que les nouvelles élections à Madrid (6,7 millions d’habitants) auront bien lieu le 4 mai. C’est une victoire pour celle qui a choisi la date : Isabel Diaz Ayuso (PP, droite), présidente du territoire qui inclut la capitale.
Ayuso sème le doute au PP
Certains, même à droite, ne cachent pas qu’ils se méfient de la présidente sortante de la région madrilène, considérée comme l’électron libre du PP. Cette femme politique, souvent imprévisible, a le don pour cliver. Très populaire parmi les Madrilènes les plus conservateurs, elle est détestée par la gauche et même par les autres régions. Cette fois encore, la Madrilène a mérité sa réputation, prenant de court ses rivaux en signant à la va-vite la dissolution de l’Assemblée de Madrid, et appelant à un retour aux urnes.
Pourquoi ce mouvement d’humeur inattendu - sauf peut-être pour les proches de Mme Ayuso ? Il faut aller chercher la réponse dans la région de Murcie (sud-est, 460 000 habitants). Autre région dirigée par un membre du PP, Fernando Lopez-Muelas.
Jusqu’ici, ces deux régions, Madrid et Murcie, étaient gouvernées par le même type de coalition : PP et Ciudadanos (Cs, libéraux) soutenus dans leurs Parlements respectifs par le parti Vox (extrême droite).
Une alliance de fait qui déplaisait de plus en plus à Ines Arrimadas, une des principaux dirigeants de Ciudadanos. Du coup, pour s’éloigner de cette coalition très à droite, Ines Arrimadas a cherché à se rapprocher petit à petit du gouvernement Sanchez en présentant une motion de censure parlementaire… qui ne visait que la Murcie. Dans cette région du Sud, cette motion ne pouvait être votée qu’avec le soutien du PSOE du Premier ministre Sanchez.
Mercredi 10 mars, au petit matin, la confirmation de la motion de censure conjointe PSOE-Cs en Murcie a déclenché la colère de Isabel Ayuso, qui pouvait s’attendre à un mouvement stratégique du même acabit dans son propre fief. Ajoutez-y le fait que ses rapports avec ses alliés de Cs à Madrid empiraient chaque jour et vous obtenez le cocktail explosif qui a amené celle que ses ennemis appellent "la trumpiste madrilène" à signer de manière ultrarapide son décret pour un retour aux urnes à Madrid.
Course contre la montre
Isabel Ayuso a signé son décret à 12 h 25. Deux motions de la gauche - ficelées certainement depuis un certain temps - sont enregistrées à 13 h 03 et 13 h 07 au secrétariat de l’Assemblée de Madrid. Trop tard. Quand l’Assemblée est dissoute, il n’est plus possible de déposer une motion de censure et vice versa (toute motion de censure présuppose qu’il n’y aura pas d’élections avant que celle-là soit votée). Le tribunal madrilène a dû trancher et, pour l’instant, c’est le camp Ayuso-PP qui l’emporte.
Mais il y a d’autres dégâts dans le système d’alliances régionales. Comme un effet papillon, une autre motion de censure a été présentée en Castille-Léon (centre-nord), la région la plus étendue d’Espagne. Quelques capitales importantes, mais aussi des centaines de communes, et l’Andalousie, la région la plus peuplée (8,5 millions d’habitants), sont gouvernées sur le modèle d’une coalition PP-Cs soutenue par Vox dans les chambres régionales ou locales respectives.
Et parmi tous ces présidents régionaux conservateurs, c’est Isabel Ayuso qui va à l’affrontement contre le Premier ministre Pedro Sanchez, tant sur le front de l’économie que sur les confinements et les mesures anti-pandémiques. Et Isabel Ayuso, la patronne madrilène, agit régulièrement contre l’avis d’autres dirigeants de son parti qui craignent que sa stratégie fasse le bonheur de l’extrême droite. À cette crainte, Mme Ayuso a répondu sans tabou dans les colonnes du quotidien ABC : "Vox est un choix politique comme un autre. Ils aident à gouverner et je le reconnais."
Dans ce véritable combat de boxe, c’est Ciudadanos qui paie l’addition. Des dirigeants importants de Cs ont rejoint les rangs du PP ou démissionné. Très ouvertement, les porte-parole du PP appellent les élus de Cs à quitter ce parti "déjà mort" [sic]. Le porte-parole de Cs qualifie ces appels de "mafieux" et à son tour accuse son partenaire de chercher à "acheter les volontés des élus de Cs en payant avec les fonds de la caisse de financement illégal du PP". En Murcie, trois députés de Ciudadanos sont devenus du jour au lendemain des ministres régionaux du PP. C’est l’heure des transfuges inattendus et des "traîtres" de toute sorte. Les élections régionales à Madrid seront certainement très polarisées et auront un impact inévitablement national.