Comment la Commission européenne va emprunter 800 milliards d’euros, mode d’emploi
La Commission se tient prête à financer le plan de relance par un programme d'emprunts européens d'une ampleur inédite.
- Publié le 14-04-2021 à 20h42
- Mis à jour le 15-04-2021 à 15h23
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La Commission européenne a présenté mercredi son plan de bataille pour être en mesure d’emprunter d’ici à 2026 jusqu’à 800 milliards d’euros afin de financer le plan de relance de l’économie européenne Next Generation EU. Pour être plus précis : 807 milliards d'euros en prix courants, qui correspondent au 750 milliards (en prix 2018, sur lesquels les chef d'Etat et de gouvernement des Vingt-sept s'étaient accordés en juillet dernier). L’opération devrait permettre à la Commission d’emprunter en moyenne 150 milliards par an, la transformant en plus grand émetteur de titres en euros. D’où la nécessité de modifier l’approche par rapport aux précédents emprunts communautaires, d’une bien moindre ampleur en termes de volume, de fréquence et de complexité.
Le commissaire au Budget Johannes Hahn a précisé que la Commission présentera tous les six mois un plan de ses besoins de financement afin d’offrir de la visibilité aux investisseurs. Elle émettra des bons de maturité variables (de 3 à 30 ans), ainsi qu’un "EU bill" d’une maturité de moins d’un an, pour assurer l’accès aux liquidités.
Quelque 250 milliards d’euros seront réservés à des bons verts en conformité avec la volonté de consacrer 30 % de l’argent du plan de relance à la réalisation des objectifs du pacte vert. Les contours de ces bons verts restent encore à définir, mais la Commission ne pourra pas encore s'appuyer sur les critères de la taxonomie définissant ce qui est un investissement vert, le sujet faisant toujours l'objet de discussions.
Les titres européens seront vendus par adjudication (en les proposant à un groupe d’institutions financières, qui feront offre) ou par syndication (avec des banques souscriptrices, chargées ensuite de les placer sur les marchés).
Risque de faux départ
La Commission voudrait lancer son programme d’emprunts dès juin. Elle pourrait lever jusqu’à 45 milliards cette année pour assurer le préfinancement de 13% du montant total des aides dévolu à chacun des Vingt-sept.
Mais au préalable, chaque État membre doit avoir ratifié la décision de relever le plafond des ressources propres (le maximum exigible d’eux pour financer le budget européen) de 1,4 à 2 % de leur revenu national brut. Seuls une quinze des Vingt-sept l’ont fait jusqu’ici. Manquent à l'appel : l'Autriche, l'Estonie, la Finlande, la Hongrie, les Pays-Bas, la Pologne, et la Roumanie, de même que l'Allemagne, a précisé le commissaire Hahn. Dans ce dernier pays, la procédure est suspendue par un recours contre les emprunts européens,introduit devant le Tribunal constitutionnel fédéral de Karlsruhe.
Par ailleurs, il faut aussi que les programmes des Vingt-sept, précisant ce qu’ils feront des montants alloués, soient soumis d’ici fin avril, puis validés, pour qu’ils puissent bénéficier des subventions accordées par la Facilité de relance et de résilience, principal instrument du fond.
Les remboursements s’étaleront de 2028 à 2058. Ceux des 338 milliards de subventions seront à charge du budget européen. Actuellement alimenté à près de 75% par les contributions nationales, celui-ci pourrait bénéficier de nouvelles recettes, dont une taxe numérique,une taxe carbone aux frontières de l’UE, et peut-être une taxe sur les transactions financières. Pour autant que les États membres se mettent d’accord sur leur création.