Budapest applique la recette russe pour stigmatiser les homosexuels : “Je crois en une Europe qui accueille la diversité, pas une Europe qui la cache à nos enfants”
La loi qui interdit la "promotion" de l’homosexualité auprès de mineurs a été condamnée par l’Union européenne.
Publié le 18-06-2021 à 21h23 - Mis à jour le 18-06-2021 à 21h28
:focal(2495x1672:2505x1662)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/A53R7MH575AC5NU2ZRCWDSLYXA.jpg)
Les quelques milliers de personnes qui se sont rassemblées en urgence lundi soir devant le Parlement hongrois, à l’appel d’Amnesty International et d’ONG locales défendant les droits des homosexuels, n’ont pas empêché l’Assemblée nationale de voter le lendemain une loi homophobe. De même que les quelques centaines de jeunes qui se sont massés mercredi soir devant le palais présidentiel n’émouvront sans doute pas le président de la République János Ader, qui va, selon toute probabilité, la ratifier. Ainsi, il sera bientôt interdit en Hongrie d’"afficher" et de "promouvoir" l’homosexualité et la transidentité auprès des mineurs.
Dans les écoles, seuls des organismes habilités par l’État auront le droit d’intervenir sur les sujets liés à la sexualité. Les ados tourmentés par une orientation sexuelle différente de la majorité n’auront donc plus qu’une possibilité : garder le silence. "Pouvoir en parler en tant que chrétien dans une école monastique a été très libérateur. Si mon professeur ne m’avait pas soutenu à l’âge de 18 ans, je me serais probablement suicidé ou j’aurais vécu une vie de mensonge", a témoigné un jeune manifestant, ancien élève dans un lycée piariste, pour Telex. Ce média indépendant note que "l’amendement stigmatise les personnes LGBTQ comme en Russie", où la Douma a adopté en 2013 une loi qui interdit la "promotion des relations sexuelles non traditionnelles auprès des mineurs".
Indignation européenne
Les ministres des Affaires européennes des États membres devraient s’emparer du sujet lors de leur réunion mardi prochain. Le commissaire européen à la Justice, Didier Reynders, a fait connaître sa désapprobation et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a prévenu que la Commission évaluait la conformité de la loi à la législation européenne. "Je crois en une Europe qui accueille la diversité, pas une Europe qui la cache à nos enfants", a-t-elle déclaré. "En tant que mère de sept enfants, vous comprenez sûrement l’importance de pouvoir éduquer vos enfants sur ces questions sensibles comme bon vous semble", lui a rétorqué sur Twitter Zoltán Kovács, porte-parole du gouvernement hongrois, visiblement piqué au vif.
Le Fidesz au pouvoir - qui a déjà ôté aux couples homosexuels la possibilité d’adopter et la possibilité de changer de sexe sur leurs documents d’identité aux personnes transgenres - avait préparé le terrain. En décembre, il avait adopté un neuvième amendement à la Constitution qui "garantit le droit de chaque enfant […] à une éducation basée sur l’identité constitutionnelle et la culture chrétienne de la Hongrie".
Stigmatiser toute une communauté
Mais le plus dommageable pour la communauté LGBT est sans doute ailleurs : cette nouvelle législation stigmatise les homosexuels, en les amalgamant avec les pédophiles. En effet, quand il a été présenté à la fin du mois de mai, le texte initial ne portait que sur la lutte contre la pédocriminalité, en prévoyant notamment le durcissement des peines à l’encontre des pédocriminels. Ce n’est que le 10 juin que le rapporteur du texte, le député du Fidesz Máté Kocsis, passé par un petit parti d’extrême droite antisémite dans sa jeunesse, a ajouté les paragraphes relatifs à l’homosexualité.
Cela ressemble à une manœuvre politique grossière, mais diablement efficace, pour affaiblir le bloc d’opposition de six partis qui fait désormais jeu égal avec le Fidesz dans les sondages à moins d’un an des élections législatives. En effet, le Jobbik, un parti d’extrême droite qui effectué un recentrage ces derniers mois, a longtemps porté la thématique de la lutte contre la pédophilie. Il a ainsi voté avec le Fidesz en faveur de cette loi, brisant les rangs par rapport à ses alliés de l’opposition qui ont boycotté le vote.