Les Européens ne décolèrent pas face à la loi hongroise
La législation homophobe sera abordée au sommet européen.
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- Publié le 23-06-2021 à 21h54
- Mis à jour le 23-06-2021 à 22h47
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Le Premier ministre hongrois Viktor Orban s’apprête à passer un mauvais quart d’heure, lors de la rencontre avec ses homologues européens, ce jeudi à Bruxelles. En adoptant une loi qui discrimine les homosexuels et les "confond" avec des pédophiles, les ultraconservateurs du Fidesz, au pouvoir à Budapest, semblent avoir dépassé la limite de ce que les autres États membres étaient prêts à tolérer pour préserver une bonne ambiance au sein du club européen. Cette législation sera donc discutée au plus haut niveau politique de l’UE, entre les chefs d’État et de gouvernement des Vingt-sept, qui s’emparent ainsi pour la première fois de l’attaque des valeurs européennes en Hongrie.
Pour rappel, le 15 juin, le Parlement hongrois a adopté une loi interdisant la "promotion" de l’homosexualité (dans des livres, des séries, des publicités, des programmes éducatifs) auprès des mineurs, dans le cadre d’un arsenal destiné à lutter contre... la pédophilie. "Ce projet de loi hongrois est une honte", a tonné mercredi Ursula von der Leyen, présidente de la Commission", promettant "d’utiliser tous les pouvoirs juridiques" de cette institution pour "garantir les droits des citoyens européens".
La Commission a adressé mercredi une lettre à Judith Varga, ministre hongroise de la Justice, mettant en garde sur le fait que cette législation pourrait contrevenir aux principes de non-discrimination, ainsi qu’à la directive européenne sur les médias audiovisuels ou encore à la libre circulation des biens et services. Mardi, à l’initiative de la Belgique, 17 États membres ont signé une déclaration demandant à la Commission d’agir.
Un amalgame "moyenâgeux"
"Cette affaire est d’une très grande gravité", confirme un diplomate européen. Un autre haut responsable prédit que les dirigeants indiqueront à la Hongrie qu’elle a cette fois dépassé toutes les lignes rouges. "Assimiler la communauté LGBT avec la pédophilie est moyenâgeux", estime une source proche des discussions. Et de constater que cette polémique a provoqué "un réveil" de bien des États membres quant à la "pente descendante" sur laquelle se trouve la Hongrie.
En effet, Viktor Orban est arrivé au pouvoir en 2010 et s’est d’emblée mis à défier l’Union et ses valeurs. Mais la riposte européenne, surtout politique, s’est longtemps fait attendre.
Avec cette législation homophobe, Viktor Orban a peut-être fait le pas de trop. Notons que le Premier ministre hongrois avait déjà irrité ses homologues en décembre dernier. Avec la Pologne, la Hongrie avait alors bloqué l’adoption du budget et du plan de relance de l’UE, dotés de 1850 milliards d’euros, pour tenter (en vain) de se débarrasser du nouveau mécanisme conditionnant l’octroi de fonds européens au respect de l’état de droit.
Entre-temps, le Premier ministre hongrois a aussi perdu sa place au sein du Parti populaire européen (PPE), la plus grande famille politique européenne, et ainsi le précieux soutien de la chancelière Angela Merkel, issue du PPE. "Je pense que cette loi est mauvaise" et "incompatible avec mon idée de la politique", a d’ailleurs déclaré Mme Merkel mercredi.
Budapest semble aussi avoir trop tiré sur la corde, à force de poser son veto à des prises de position européennes vis-à-vis de la Chine. "Cela relève de la coopération loyale en matière de politique étrangère. Il peut être légitime pour un État de bloquer un texte, mais s’il ne peut pas l’expliquer au nom de l’intérêt de son pays, la question se pose…", notait mercredi un diplomate européen.
L’émotion des citoyens
Reste que cette forte réaction de l’UE peut aussi s’expliquer par l’émotion et la colère que cette loi homophobe a provoquée auprès des citoyens européens, allant jusqu’à toucher l’Euro de football. Du chef de la diplomatie allemande à la présidence française, de nombreuses capitales européennes ont déploré le refus de l’UEFA de laisser le stade de Munich, qui accueillait mercredi la rencontre Allemagne-Hongrie, s’illuminer aux couleurs de la communauté LGBT. En réponse, l’Allemagne s’est parée des couleurs de l’arc-en-ciel mercredi. Celles-ci ont coloré également la Grand-Place de Bruxelles, tandis que le Parlement bruxellois a hissé le drapeau symbole de la communauté LGBT. Même l’UEFA a dû décorer son logo d’un arc-en-ciel, mise face à cette levée inédite de boucliers pour défendre les valeurs de l’Union.