Eric Zemmour pourrait-il faire trébucher Marine Le Pen?
Une possible candidature d'Eric Zemmour à la présidentielle rend l’extrême droite nerveuse.
Publié le 30-06-2021 à 21h12 - Mis à jour le 01-07-2021 à 13h01
L’hypothèse de la candidature d’Éric Zemmour à l’élection présidentielle de 2022 bouscule les partis à droite de l’échiquier politique français. Plusieurs éléments laissent penser que le chroniqueur de l’émission Face à l’info sur CNews et du quotidien Le Figaro va franchir le pas.
Le dernier en date : le communiqué des Éditions Albin Michel, diffusé ce mardi, qui a décidé de ne pas publier le prochain ouvrage du polémiste. "Nous avons eu un échange très franc avec Éric Zemmour, qui m’a récemment confirmé son intention de s’engager dans la présidentielle et de faire de son prochain livre un élément clé de sa candidature", explique Gilles Haéri, président des Éditions Albin Michel.
Début juin, l’auteur du Suicide français (Albin Michel, 2014) donnait un peu plus de poids à la rumeur lors d’une interview à la chaîne YouTube Livre noir. "J’ai depuis vingt ans annoncé, prophétisé, en vain pour l’instant, en disant ‘voilà ce qui va arriver’. J’ai longtemps pensé que cela suffisait. […] Peut-être qu’il faut passer à l’action."
Alors, sur le terrain et sur Internet, les soutiens du polémiste s’organisent. Dans la nuit de dimanche à lundi, juste après le second tour des élections régionales et départementales, des centaines de militants du collectif informel Génération Z ont collé des milliers d’affiches Zemmour président sur les panneaux électoraux. Sur la Toile, un site internet appuyant la candidature d’Éric Zemmour, et lancé par le maire d’extrême droite d’Orange (Vaucluse) Jacques Bompard, a été créé. Sur les réseaux sociaux, les partisans d’Éric Zemmour sont également passés à l’offensive.
De son côté, le principal intéressé continue de laisser planer le doute. Mais dans un communiqué transmis à l’AFP, il dément "formellement avoir dit à Gilles Haéri qu’il était candidat à l’élection présidentielle de 2022", évoquant une "conversation inventée".
Une campagne coûterait cher
Condamné à plusieurs reprises par la justice, notamment pour injure et provocation à la haine, Éric Zemmour attend peut-être de voir si la mayonnaise prend. Et si sa cote monte dans les sondages d’opinion. Il obtiendrait 5,5 % des votes au premier tour selon le sondage Ifop pour le magazine Le Point publié le 16 juin, loin derrière les 28 % de la candidate de l’extrême droite Marine Le Pen (Rassemblement national, RN) et les 26 % du président Emmanuel Macron (La République en Marche, LREM).
"Je ne sais pas si Éric Zemmour va se présenter mais disons que ça ne serait pas la voie la plus rationnelle , lance Jean-Yves Camus, politologue et co-directeur de l’Observatoire des radicalités politiques à la Fondation Jean Jaurès. Il y a quand même quelques obstacles. Il faut tout d’abord obtenir les 500 parrainages, les 500 signatures de maires, pour franchir la première étape, pour que la candidature soit validée par le Conseil constitutionnel. Ça n’a l’air de rien mais dans un pays de 36 000 communes, cela nécessite des équipes. Même Marine Le Pen et son père ont éprouvé des difficultés pour obtenir ces signatures. Et une campagne, cela coûte aussi très cher."
Jean-Yves Camus voit également des faiblesses chez Éric Zemmour, dont les thèmes de prédilection sont notamment l’islam et l’identité. "Son problème, c’est son absence totale de vision économique et sociale au-delà des généralités. Or, je pense que les Français vont surtout attendre les candidats sur ces sujets. Éric Zemmour a aussi un côté anxiogène alors que les Français ont besoin d’espoir, d’une personne qui les tire vers le haut, qui dise que la France a toujours une place dans le monde, qu’elle représente toujours une forme de puissance économique, intellectuelle, politique. Le rôle du président est d’agir, de décider, d’apporter des solutions. Pas uniquement de dresser des constats."
Malgré ces éléments, et d’autres comme la faiblesse de ses soutiens politiques, Éric Zemmour entretient le suspense. "Peut-être qu’il n’a pas encore pris sa décision. Ou peut-être qu’il songe plutôt à un poste de conseiller ou de ministre et qu’il sait qu’au plus on se fait désirer, au plus sa valeur sur le marché politique augmente, glisse le politologue. Mais au fond, pourquoi se lancer dans une aventure dont il est certain qu’elle ne sera pas victorieuse et qui le fâchera avec Les Républicains et le Rassemblement national à qui il prendrait des voix ?"
Voix de droite, mais craint du RN
D’après le sondage Ifop, Éric Zemmour capterait d’ailleurs surtout des voix d’électeurs de droite, et moins d’extrême droite. Et pourtant, le RN craint sa candidature. "Marine Le Pen rame pour augmenter son capital de voix et le moindre candidat supplémentaire à droite représente un problème", relève Jean-Yves Camus.
Le RN réunit son congrès ce week-end à Perpignan (Pyrénées-Orientales). Il doit servir de tremplin à la candidature de Marine Le Pen à l’élection présidentielle. Même si les sondages la donnent en tête au premier tour, les revers du RN aux dernières élections municipales, régionales et départementales créent de la nervosité, et sèment le doute. Et voilà qu’à cela, s’ajoute l’ombre d’Éric Zemmour.