Grèce: après dix mois de cavale, le numéro 2 du parti néonazi Aube dorée a été arrêté
Le fugitif a défié - peut-être trop facilement - les autorités grecques pendant plusieurs mois.
- Publié le 05-07-2021 à 18h29
- Mis à jour le 13-10-2021 à 20h32
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L’arrestation a pris vingt minutes, mais la cavale, elle, près de dix mois. Christos Pappas, numéro deux du parti néonazi grec condamné en tant qu’organisation criminelle le 7 octobre dernier par le tribunal pénal d’Athènes, n’avait pas attendu que les sentences soient prononcées le 22 octobre pour se faire la malle. Dès le 2 octobre et son passage hebdomadaire obligé au commissariat de son quartier, où il pointait depuis la fin de sa détention préventive, il avait disparu dans la nature.
À l'époque, Michalis Chrisoxoïdis, le ministre de la Protection des droits de l'homme et du citoyen, autrement dit de l'Ordre public, répétait à qui voulait l'entendre que la police "l'avait à l'œil", et enfonçait le clou : "Personne ne s'enfuira." Pourtant, deux sur la cinquantaine de prévenus condamnés l'ont fait. L'un, Yiannis Lagos, en toute légalité puisque, au bénéfice de son immunité d'eurodéputé, il a pu quitter le pays avant d'entendre sa sentence de treize ans et six mois de prison ferme. L'autre, Pappas, a disparu au nez et à la barbe de l'unité spéciale supposée "l'avoir à l'œil".
Une certaine clémence des autorités
Anastasia Tsoucala, maîtresse de conférences à l'Université Paris-Saclay, ironise : "Ce qui m'étonne, c'est que seuls deux se soient échappés."
Pour Kostas Papadakis, l'un des avocats de la partie civile dans ce procès historique qui a duré plus de cinq ans, "il est évident que les deux fugitifs ont bénéficié d'une certaine clémence des autorités grecques et surtout d'une partie de la police". De fait, dans les deux cas, les mandats d'Interpol ont mis plusieurs mois à être lancés, tout comme la demande de la levée de l'immunité parlementaire de Lagos, arrêté finalement par la police belge à Bruxelles devant son domicile. Son dossier a été envoyé avec beaucoup de retard au service concerné du Parlement européen, écrit en grec, et il faisait plusieurs milliers de pages qu'il a fallu traduire, autant de temps de perdu, alors que, souligne Anastasia Tsoucala, "quelques pages auraient suffi". De plus, il a fallu, selon une source très proche du dossier, que l'opposition de gauche intervienne "pour faire accélérer les procédures de la levée immunitaire". Des retards et des lenteurs constamment dénoncés par la partie civile, qui refuse de crier victoire tant ces complaisances étaient "criantes".
Une arrestation opportune
Christos Pappas a été retrouvé dans un rez-de-chaussée d'un immeuble banal du quartier de Zographou à Athènes. Selon la police, il avait été localisé depuis plusieurs jours et les rues étaient "discrètement" bouclées. Pour Anastasia Tsoucala, juriste et criminologue, le moment de l'arrestation "n'est pas anodin". Il intervient à mi-mandat du gouvernement Mitsotakis (droite libérale), où l'on parle de plus en plus d'élections anticipées. "Les questions sécuritaires étaient au centre de sa campagne électorale. Ça ne collait pas avec une police incapable de coincer un fugitif condamné pour participation à une organisation criminelle. D'autant qu'il leur a vraiment filé entre les doigts. Il devait être arrêté."
Fasciste de père en fils
Chez les Pappas, on est fasciste de père en fils. Le père était le bras droit de Georgos Papadopoulos à l’origine de la dictature des colonels (1967-74). Le fils, admirateur du dictateur italien Benito Mussolini et théoricien nazi d’Aube dorée. Un fils qui préparait la relève en apprenant le salut nazi à son propre fils, âgé à l’époque de moins de 10 ans. La photo a fait le tour de la Toile. C’est lors de la fouille de son domicile à l’automne 2013, peu après l’assassinat du rappeur antifasciste Pavlos Fyssas, dont le meurtre a permis l’ouverture des poursuites judiciaires contre Aube dorée, que l’on a trouvé des disques durs qui prouvaient le caractère nazi et mafieux de l’organisation ainsi que sa structure militaire pyramidale.
Il n’y a jamais eu en Grèce de "défascisation", ni à la fin de la guerre où les collabos se sont retrouvés au pouvoir ni à la chute de la dictature où tous les fonctionnaires dans toutes les administrations sont restés en place. Le verdict du procès donne au gouvernement un outil pour procéder à cette catharsis qui se fait attendre. Mais pour l’instant rien n’est fait dans ce sens. Pour preuve, la femme qui a caché Pappas, condamné pour complicité de meurtre, port d’arme illégal et constitution d’organisation criminelle, a été condamnée à trente mois avec sursis. Elle est sortie libre du bureau du procureur. Quant à Pappas, sa fuite n’a pas alourdi sa peine, qu’il purge désormais avec ses acolytes dans la prison de Domokos dans le centre du pays.