Face à la Commission européenne, Viktor Orban ressort l’arme référendaire pour soutenir sa loi "anti-LGBT"
Cinq ans après son référendum raté contre les quotas de demandeurs d’asile, le retour de l’arme référendaire.
Publié le 21-07-2021 à 19h50 - Mis à jour le 23-07-2021 à 16h48
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L’ambiance est calme pour un vendredi soir devant l’Alter ego, l’un des clubs gays de la capitale hongroise. Hatter, la principale association pour les droits des LGBTQ, fait état d’une recrudescence récente du nombre d’actes homophobes, des agressions verbales essentiellement. Les deux armoires à glace en charge de la sécurité de l’établissement l’assurent : il n’y a pas eu de grabuge particulier depuis qu’une loi jugée "anti-LGBT" a échaudé les esprits. Les mots manquent à Marton, jeune trentenaire avocat, et à son petit ami, qui se pointent à l’entrée du club, pour dire le dégoût que leur inspire le "cynisme du gouvernement qui pense que [les] pointer comme ça du doigt peut l’aider à gagner les prochaines élections".
La situation ne risque pas de s’arranger pour eux, puisque le gouvernement vient d’annoncer un référendum. C’est le chef du gouvernement, Viktor Orban, qui s’en est chargé, en publiant une vidéo mercredi sur sa page Facebook : "En Europe occidentale des militants LGBTQ organisent des cours d’éducation sexuelle dans les jardins d’enfants et les écoles. Ils veulent faire la même chose en Hongrie", avance-t-il. "Voilà pourquoi les bureaucrates de Bruxelles nous menacent et lancent des procédures d’infraction. […] Seule la volonté du peuple peut protéger la Hongrie."
L’Union européenne a annoncé le 15 juillet l’ouverture d’une procédure d’infraction contre la Hongrie en raison d’une récente loi jugée discriminatoire. Adoptée un mois plus tôt par le Parlement, elle interdit l’"affichage" et la "promotion" de l’homosexualité et de la transidentité auprès des mineurs, et, censée être une loi de "protection de l’enfance", elle stigmatise les homosexuels comme des menaces aux côtés des pédocriminels.
Des émojis et cinq questions
Le référendum consistera en cinq questions qui, sans la mentionner, vise une supposée "propagande homosexuelle" à l’école, parmi lesquelles : "Êtes-vous favorable à l’enseignement de l’orientation sexuelle aux mineurs dans les écoles publiques, sans le consentement des parents ?" ; "Êtes-vous favorable à la promotion de la thérapie de changement de sexe auprès des enfants mineurs ?"
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a qualifié à plusieurs reprises cette loi de "honte" et juge que celle-ci "va à l’encontre de toutes les valeurs fondamentales de l’Union européenne". Sûr de son bon droit, Viktor Orban est prêt à lui tenir tête et s’appuie sur l’article 14 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui garantit que "les droits des parents d’assurer l’éducation et l’enseignement de leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses, philosophiques et pédagogiques sont respectés selon les lois nationales qui en régissent l’exercice".
Depuis le début du mois de juillet, des grandes affiches de publicité gouvernementale sont apparues dans tout le pays. Ce sont des émojis comme ceux des " tchats Facebook ", fâchés, qui accompagnent les slogans "Bruxelles vous énerve ?", "La propagande sexuelle auprès des enfants vous inquiète ?"
Ce n’est pas la première fois que Viktor Orban brandit la (supposée) volonté populaire contre la Commission européenne. En octobre 2016, son référendum contre les quotas de relocalisation de demandeurs d’asile dans l’Union européenne avait été invalidé, faute de participation suffisante (43 %, dont 6 % de bulletins nuls). Cette fois encore, les partis de l’opposition - qui dénoncent à l’unisson une basse manœuvre destinée à détourner l’attention publique du scandale des écoutes illégales révélées par le "Projet Pegasus" - prévoient de boycotter le scrutin.