Invitée en Afghanistan, Angela Merkel veut dialoguer avec les talibans qui lui ouvrent les bras
La chancelière ne voit pas d’alternative. Selon elle, il faut discuter.
Publié le 06-09-2021 à 19h59 - Mis à jour le 06-09-2021 à 20h02
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Les talibans ne s'en cachent pas. Ils souhaitent "des relations solides et officielles" avec l'Allemagne. Ce week-end, leur porte-parole, Zabihullah Mujahid, a multiplié les interviews en ce sens. "Les Allemands ont toujours été les bienvenus en Afghanistan, même au temps de la royauté il y a plus de 100 ans", a-t-il déclaré au journal Welt am Sonntag. "Les Allemands ont fait beaucoup de choses positives. Malheureusement ils ont pris le parti des Américains. Mais c'est désormais pardonné."
Les talibans l'énoncent clairement : ils cherchent une reconnaissance politique officielle ainsi que le soutien humanitaire et financier de l'Allemagne, en matière de santé, agriculture, enseignement. En échange, et en réponse aux critiques des Européens, leur porte-parole assure que les Afghans ayant travaillé avec les forces allemandes, dans le passé, se trouvent en sécurité. Pour eux, "il n'y aura pas de problème. Mais s'ils veulent quitter le pays volontairement, ils doivent suivre la voie légale", détaille Zabihullah Mujahid, qui se dit également prêt à reprendre les réfugiés afghans condamnés en Allemagne et menacés d'expulsion. Et cela même si Berlin a suspendu les procédures en ce sens depuis la chute de Kaboul. Cerise sur le gâteau, les talibans se proposent de recevoir Angela Merkel, "cela nous ferait particulièrement plaisir".
Cette offensive de charme intervient alors que, la semaine dernière, les ministres européens des Affaires étrangères ont décidé une implication "coordonnée" de leurs pays, pour assurer un "engagement opérationnel" sur le terrain, sans toutefois reconnaître le pouvoir taliban. Ce niveau d'implication dépendra de son comportement en matière de respect des droits de l'homme, d'état de droit et de lutte contre le terrorisme international.
Angela Merkel, en tout cas, ne cache pas être favorable à un dialogue. "Nous devons tout simplement parler avec les talibans de la manière dont nous pouvons faire sortir du pays les gens qui ont travaillé pour l'Allemagne et les mettre en sécurité", a-t-elle rappelé dimanche. "C'est à eux que nous devons parler maintenant."
Rouvrir l’ambassade ?
Par ailleurs, si Berlin a suspendu son aide au développement à Kaboul, elle souhaiterait poursuivre son aide humanitaire. Après une première enveloppe de 100 millions d’euros et une coopération avec les agences onusiennes et la Croix-Rouge internationale, l’Allemagne prépare un autre paquet de 500 millions d’euros pour l’Afghanistan et les pays voisins.
C'est aussi dans ce contexte qu'elle est en contact avec les représentants talibans au Qatar et qu'elle se pose même la question de rouvrir son ambassade à Kaboul. L'idée est émise par le chef de la diplomatie, Heiko Maas, qui n'y voit toutefois "aucune reconnaissance" du pouvoir taliban.
Après le chaos des évacuations par l'armée allemande, en août, la question du dialogue avec les talibans suscite des critiques. Si les chrétiens-démocrates d'Angela Merkel y sont majoritairement favorables, Norbert Röttgen, président de la commission des Affaires étrangères, accuse les États-Unis et l'Union européenne d'être devenus des "mendiants" face aux talibans. Mêmes critiques du côté de l'opposition libérale. "Pour le moment, nous ne devons parler aux islamistes que pour secourir ceux qui ont besoin de protection. Rien de plus", estime le député libéral Alexander Graf Lambsdorff (FDP), qui juge prématurée la réouverture de l'ambassade d'Allemagne à Kaboul. "Faire cavalier seul affaiblirait la position allemande. Les talibans ne doivent pas réussir à diviser les Européens."
Pas de doutes que ces questions seront abordées mercredi, lors de la visite d’Anthony Blinken en Allemagne. Le secrétaire d’État américain y rencontrera son collègue allemand sur la base américaine de Ramstein où plusieurs milliers d’Afghans évacués sont toujours en transit.