Crise migratoire en Europe : la Pologne refuse de lever le voile sur la dramatique situation humanitaire à sa frontière
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Publié le 10-11-2021 à 11h23 - Mis à jour le 10-11-2021 à 11h25
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"Nous sommes prêts" à apporter une aide européenne à la Pologne, a rappelé Dana Spinant, porte-parole de la Commission, mardi. La veille, lors de son entretien avec les Premiers ministres polonais, lituanien et letton, dont les pays sont confrontés à une pression migratoire orchestrée par la Biélorussie à leur frontière, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, insistait sur "les mesures que l'UE peut prendre pour les soutenir dans leurs efforts pour faire face à cette crise". Mais rien n'y fait, contrairement à Vilnius et Riga, Varsovie n'a toujours pas demandé l'assistance de l'UE - et notamment de l'agence européenne de garde-frontières Frontex - même si la situation a escaladé ces derniers jours. De quoi donner l'impression que la Pologne, suspectée de bafouer les droits humains au nom de la fermeté à afficher face à Minsk, a quelque chose à cacher dans la manière de gérer cette crise.
Depuis juillet, le gouvernement polonais s'est vu en effet proposer à plusieurs reprises une assistance européenne opérationnelle et/ou financière pour faire face à cette "attaque hybride" biélorusse. Mardi, la Commission insistait encore sur ce point, rappelant que 100 agents Frontex et 70 experts du Bureau européen d'appui en matière d'asile ainsi que des officiers d'Europol avaient été mobilisés en Lituanie, à la demande de ce pays. Le mécanisme de protection civile peut également être activé - comme cela a déjà été fait en Lituanie - afin d'apporter une assistance humanitaire aux individus coincés aux portes de l'UE, a ajouté la Commission. "Mais aucune demande de ce type n'a été formulée par les autorités polonaises", a souligné Mme Spinant, ajoutant que "les vies des migrants peuvent clairement être en danger alors que l'hiver approche".
Varsovie assume les refoulements
La Pologne, qui a dépêché 20 000 soldats à la frontière, assure que la situation est sous contrôle et qu'elle n'a donc pas besoin d'aides européennes ni du soutien de Frontex - dont le siège est pourtant situé à Varsovie… Mais d'aucuns suspectent le gouvernement polonais de vouloir limiter les témoins afin de "protéger" la frontière comme il l'entend, quitte à s'asseoir sur certains principes liés au respect des droits de l'homme et de l'accueil de demandeurs d'asile. Les autorités polonaises refoulent collectivement (et donc illégalement) les migrants qui parviendraient à passer la frontière, les renvoyant immédiatement vers la Biélorussie sans leur donner l'occasion de déposer une demande d'asile.

Le parti Droit et Justice (PiS), au pouvoir à Varsovie, ne s'en cache pas, puisqu'il a amendé, mi-octobre, la législation afin de légaliser de facto le refoulement et se donner le droit d'ignorer une demande d'asile formulée après le passage illégal de la frontière. Une loi qui soulève des "préoccupations" de la Commission, a d'ailleurs confirmé mardi un porte-parole.
Tout en affichant sa solidarité avec la Pologne, la Commission a plusieurs fois exprimé, à mots couverts, son inquiétude quant à son refus de coopérer avec l'UE et aux allégations de violation des droits humains. Déjà en septembre, la commissaire aux Affaires intérieures Ylva Johansson avait soulevé, à Varsovie, "la question et l'importance de la transparence pour s'assurer que, lorsque nous protégeons nos frontières, nous protégeons également nos valeurs et l'acquis communautaire".
Pas de journalistes ni d’ONG
En vain. En plus de refuser la présence de toute agence européenne sur le terrain, le PiS interdit de manière générale l'accès à une zone de 3 kilomètres, le long de sa frontière avec la Biélorussie, en vertu de l'état d'urgence déclaré il y a trois mois. Cela vaut pour les journalistes, de sorte que la majorité des images de terrain proviennent des autorités polonaises ou de celles biélorusses. Les médecins bénévoles ou les ONG qui voudraient porter assistance aux personnes coincées, parfois depuis des semaines, entre les garde-frontières polonais et biélorusses sont également tenus à distance, alors que la situation humanitaire se dégrade.