L’Allemagne change son fusil d’épaule et envoie des armes en Ukraine : "Il n’y a pas d’autre réponse possible"
Le chancelier Olar Scholz a annoncé une série de mesures.
Publié le 27-02-2022 à 20h48 - Mis à jour le 27-02-2022 à 21h40
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L'invasion russe en Ukraine aura eu l'effet inattendu de renverser de fond en comble de nombreux pans de la politique allemande. Le constat est dressé par les plus hauts dirigeants du pays qui, depuis le 24 février, ont pris des décisions qu'ils n'auraient jamais envisagé prendre quelques heures plus tôt. "Si le monde change, notre politique aussi doit changer", a constaté la ministre fédérale des Affaires étrangères Annalena Baerbock, dimanche, lors d'une session extraordinaire du Bundestag consacrée à la guerre en Ukraine.
En quelques jours, l'Allemagne est en effet revenue sur des principes qu'elle tenait pour acquis. À commencer par sa règle interdisant d'envoyer des armes létales à des pays en guerre. Adoptée il y a vingt ans par le gouvernement de coalition entre sociaux-démocrates et écologistes, cette règle est passée à la trappe. "Nous avons décidé d'envoyer des armes à l'Ukraine", a confirmé le chancelier Olaf Scholz au Bundestag. "Il n'y a pas d'autre réponse possible", a-t-il lancé, sous les applaudissements de la quasi-totalité des députés.
Berlin enverra "très rapidement" à Kiev 1 000 lance-roquettes antichars, 500 missiles sol-air Stinger, ainsi que 14 véhicules blindés et 10 000 tonnes de carburant. Le gouvernement a aussi donné son assentiment à ce que les Pays-Bas livrent à l'Ukraine 400 bazookas de production allemande et à ce que l'Estonie fasse de même avec des obusiers made in Germany. "Nous restons réservés en matière d'exportations d'armes mais, après cette agression, nous ne pouvons pas laisser l'Ukraine militairement seule", a constaté l'écologiste Annalena Baerbock, en rappelant la difficulté que ce "virage à 180 degrés" représentait pour son propre parti. Les Verts allemands se définissent en effet depuis leur fondation comme "le parti de la paix".
La fin des illusions
L’invasion russe en Ukraine marque aussi la fin des illusions en matière de politique sécuritaire. Alors que le conflit s’approche des frontières européennes, la Bundesewehr est soupçonnée de ne pas être en état de soutenir efficacement l’Otan. Pour y remédier, Olaf Scholz a annoncé, à la surprise générale ce dimanche, un fond exceptionnel de 100 milliards d’euros pour l’armée fédérale et ajouté vouloir faire passer le budget de la Défense à 2 % du PIB. Cette promesse non tenue par l’ex-chancelière Angela Merkel - et longtemps taboue chez les sociaux-démocrates - avait longtemps contribué à tendre les relations avec les alliés de l’Otan, notamment avec l’ex-président américain Donald Trump. D’ici là, le chancelier a confirmé l’envoi d’un bataillon en Slovaquie, ainsi que d’une frégate en mer Baltique.
De l'aveu même d'Olaf Scholz, l'Allemagne a par ailleurs tiré une autre leçon de l'invasion de l'Ukraine. Elle devra réduire sa dépendance énergétique envers la Russie. "Le plus vite possible sera le mieux", a-t-il lancé, tablant sur le développement des énergies renouvelables et confirmant la construction de deux terminaux LNG, afin d'importer du gaz liquéfié des États-Unis.
Autre mesure annoncée beaucoup plus vite que prévu, Berlin a finalement accepté samedi d'exclure certaines banques russes du système interbancaire international Swift. Olaf Scholz avait freiné en la matière, ces derniers jours, arguant des effets négatifs sur les achats de charbon russe par son pays. Le blocage de Berlin avait soulevé un tsunami de critiques, de la part de l'Ukraine, de certains partenaires comme la Pologne, et d'une partie de la classe politique allemande. "Les sanctions doivent être pensées de telle manière qu'elles touchent Poutine sans nous revenir comme un boomerang", a toutefois rappelé Annalena Baerbock.
Dans l'hémicycle du Bundestag, bondé en ce dimanche matin, ces diverses annonces ont reçu un très large soutien des partis de coalition et des chrétiens-démocrates, premier parti d'opposition. Les plus russophiles, en revanche, ont fait leur mea culpa, à l'image du parti de gauche radical Die Linke, qui a reconnu "avoir mal évalué" Vladimir Poutine. Seule l'extrême droite, qui a reçu des soutiens financiers de la Russie ces dernières années, a évité de se remettre en cause. Tout en dénonçant l'attaque russe contre l'Ukraine, l'Alternative pour l'Allemagne a rejeté la faute de cette guerre sur "les fausses promesses" des Occidentaux envers Russes et aux Ukrainiens.
Au même moment, plus de 100 000 Berlinois étaient réunis devant la porte de Brandebourg pour appeler à la paix. Certains appelaient à des pas encore plus radicaux de la part du gouvernement, comme l’arrêt immédiat des importations de gaz russe. Une idée qui, pour le moment, est encore très loin d’être envisagée à la chancellerie.