Zelensky s'en prend au Premier ministre hongrois: "Ecoute Viktor, sais-tu ce qui se passe à Marioupol?"

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'en est pris jeudi soir, lors d'une discussion par visioconférence avec les dirigeants des Vingt-sept, au Premier ministre hongrois Viktor Orban en lui reprochant de freiner l'imposition de sanctions contre la Russie, entrée en guerre contre l'Ukraine le 24 février dernier, selon la présidence.

Zelensky s'en prend au Premier ministre hongrois: "Ecoute Viktor, sais-tu ce qui se passe à Marioupol?"
©AFP

"Ecoute Viktor, sais-tu ce qui se passe à Marioupol (une grande ville du sud-est de l'Ukraine en grande partie détruite par les combats)?, a lancé le chef de l'État à l'adresse de M. Orban.

"Je veux être clair une fois pour toutes: tu dois décider pour qui tu es", a ajouté M. Zelensky, selon une traduction anglaise de son intervention d'une dizaine de minutes publiée sur sa page Facebook.

Volodymyr Zelenski a cité un par un les 27 pays de l'Union européenne en évaluant leur degré de soutien à la cause ukrainienne.

Il a terminé par la Hongrie, à propos de laquelle il a dit: "je veux m'arrêter ici et être honnête une fois pour toutes. Vous devez décider par vous-même avec qui vous êtes. Vous êtes un État souverain. J'ai vu ce mémorial à Budapest (sur les rives du Danube) dédié aux meurtres de masse. J'y étais avec ma famille. Écoute, Viktor, sais-tu ce qui se passe à Marioupol ? S'il vous plaît, si vous le pouvez, allez sur le Danube. Jetez un coup d'œil à ces chaussures et vous verrez comment un meurtre de masse peut se reproduire dans le monde d'aujourd'hui".

Il faisait allusion à un mémorial de Budapest qui met en scène des chaussures de métal posées au bord du fleuve qui traverse la capitale hongroise et est dédié aux victimes juives de la Shoah.

"Et la Russie fait cela aujourd'hui. Les mêmes chaussures à Marioupol - ce sont les mêmes personnes. Des adultes et des enfants. Et des grands-pères et des grands-mères. Et ils sont des milliers. Mais vous hésitez - à imposer des sanctions ou à ne pas (en) imposer. (Vous n'êtes) pas sûrs de laisser passer des armes", a lancé M. Zelensky, en évoquant également le commerce avec la Russie.

"Il n'y a pas à douter. Il est temps de décider. Nous croyons en vous. Nous avons besoin de votre soutien. Nous croyons en vos peuples, nous croyons en l'Union européenne", a-t-il ajouté.

M. Zelensky a témoigné de la situation sur le terrain et de la souffrance du peuple ukrainien face à l'agression russe. Il a répété ses remerciements pour les importantes sanctions édictées par l'UE contre la Russie, regretté leur caractère à ses yeux tardif, et demandé que l'Union en fasse davantage, notamment en frappant le secteur énergétique russe.

Abordant le chapitre de la demande d'adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne, le président a énuméré la position de chaque État membre. Arrivé à la Belgique, il a dit: "Belgique, nous trouverons les arguments" (pour convaincre).

Volodymyr Zelensky doit s'exprimer jeudi prochain par visioconférence devant les députés belges réunis en plénière à la Chambre. Au début du mois, le Premier ministre Alexander De Croo avait temporisé sur la question d'une adhésion rapide, en soulignant que le processus était long et exigeant en termes de réformes attendues. Mais il avait ajouté que la main tendue par l'Ukraine pourrait être saisie via "une autre forme de partenariat" qui permette d'y répondre rapidement.

La réponse de Viktor Orban

Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a "rejeté" vendredi les demandes de livraison d'armes et de sanctions plus dures, les jugeant "contraires aux intérêts" de son pays. "La Hongrie veut rester en dehors de cette guerre et n'autorisera pas le transfert d'armes vers l'Ukraine", a réaffirmé M. Orban, selon des propos rapportés par le porte-parole du gouvernement Zoltan Kovacs.

Depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, Budapest, tout en accueillant des réfugiés, refuse d'envoyer de l'aide militaire et a interdit le transfert d'armes létales par son territoire.

"Fermer les robinets de pétrole et de gaz reviendrait à faire payer aux familles hongroises le prix de la guerre", a réagi M. Kovacs.

"Nous ne pouvons nous le permettre", a-t-il souligné, alors que Viktor Orban se prépare à des élections serrées le 3 avril.

Selon le chef de l'opposition Peter Marki-Zay, le discours de Volodymyr Zelensky montre "l'isolement" de Viktor Orban, vu "comme le dernier allié de (Vladimir) Poutine au sein de l'UE et de l'Otan".

Un peu plus tôt cette semaine, la vice-Première ministre ukrainienne Irina Verechtchouk avait accusé la Hongrie de "rêver secrètement" d'annexer la Transcarpatie, région de l'Ouest de l'Ukraine où vit une importante communauté magyarophone.

Coupé géographiquement du reste du pays par la partie orientale des Carpates, ce territoire était sous contrôle de Budapest jusqu'à la Première Guerre mondiale. Ballotté entre Etats, il a finalement intégré l'Ukraine devenue indépendante en 1991.

L'ambassade de Hongrie à Kiev a dénoncé des "accusations infondées et calomnieuses".

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