L’influenceuse ukrainienne enceinte à Marioupol réapparait dans un média pro-russe: vrai témoignage ou mise en scène ?
Les photos de Marianna Vishegirskaya avaient fait le tour du monde au début du conflit après le bombardement de la maternité à Marioupol.
Publié le 05-04-2022 à 18h08 - Mis à jour le 05-04-2022 à 21h43
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On le sait, la guerre en Ukraine ne fait pas uniquement rage sur le front. Elle est aussi présente en coulisse. Ainsi Russes et Ukrainiens se livrent l'un et l'autre une guerre de l'information acharnée. Les deux nations s'accusent mutuellement de tenter d'influencer l'opinion internationale.
Une femme symbolise parfaitement cette lutte: Marianna Vishegirskaya. Cette influenceuse ukrainienne avait fait la Une des médias internationaux après avoir été blessée dans le bombardement de la maternité de Marioupol. Sur une photo, on voyait la jeune femme enceinte sortir des décombres de la maternité avec le ventre ensanglanté. L'image est vite devenue le symbole de l'horreur vécue par les civils de la ville portuaire encerclée par les forces armées russes.

Les agences de presse avaient annoncé quelques jours après le bombardement qu'elle avait donné naissance à son bébé. Depuis, on n'avait plus parlé de la jeune femme. Mais elle vient soudainement de réapparaître... sur un média pro-russe. Dans une interview intitulée "Entretien avec une fille de la maternité de Marioupol : la vérité sur l’armée, l’explosion et les journalistes de l’Associated Press". Elle a été diffusée par Denis Seleznev, un blogueur russe, et filmée par Kristina Melnikova sur YouTube.

"Une mise en scène" pour la Russie
Après ces horreurs, la Russie avait donné sa version des clichés de l'AP. Selon le Kremlin, il s'agissait d'une "mise en scène" des "nationalistes ukrainiens". Dans un dossier de presse, la Russie avait également assuré que la femme avait été engagée pour jouer plusieurs femmes enceintes et susciter l'émotion sur la scène internationale. Version qu'avait totalement démentie l'Associated Press avec certaines preuves matérielles.
Pendant 25 minutes, Marianna Vishegirskaya laisse entendre que cette version russe est la bonne. "Les gens ont dit que ce n'était pas une frappe aérienne et nous ne pouvions pas l'entendre non plus, donc c'était une confirmation", a-t-elle déclaré. "Les gens ont dit que c'était un missile", glisse-t-elle également. Ce qui signifie qu'elle se joint à la version russe qui estime que les Ukrainiens auraient lancé un missile de guidage laser depuis un immeuble voisin dans lequel ils se cachaient.
Elle évoque également le moment où elle a été photographiée: "Je le regardais (le photographe d'AP) et j'ai vu qu'il avait quelque chose dans les mains et qu'il filmait. Je lui ai demandé de ne pas filmer car je n'étais pas prête et que je ne voulais pas être vue", a-t-elle ajouté. Tout en s'adressant directement à son président, Volodymyr Zelensky:"S'il vous plaît, vous devez faire tout ce que vous pouvez lors des négociations pour trouver un compromis. C'est insupportable à voir."
Difficile évidemment de se positionner par rapport à ce témoignage. Car il est impossible de géolocaliser l'Ukrainienne. Une des possibilités est qu'elle fasse partie des 15 000 habitants déportés de Marioupol vers la Russie ou les régions séparatistes de Lougansk et Donetsk. Mais rien n'indique avec certitude qu'elle a été enlevée par les forces russes pour s'exprimer sous contrainte.
En revanche cela ne serait pas la première fois que la Russie a recours à ce genre de tactique de propagande. En 2016, un Syrien avait ému la terre entière. A l'époque, il avait survécu à un bombardement russe dans la ville d'Alep et était apparu heureux sur les chaînes russes. Les combats faisaient rage entre les rebelles et le régime de Bachar al-Assad. Ce dernier était soutenu par Moscou. Mais son père avait dénoncé ces tentatives de manipulation.