Entre les attentats de Paris et de Bruxelles, la brève "accalmie" et les plans d'envergure des terroristes
La cellule, qui a dû se réorganiser, avait échafaudé des projets d’envergure.
Publié le 07-04-2022 à 07h16 - Mis à jour le 08-04-2022 à 23h23
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Osama Krayem, le terroriste qui a renoncé au dernier moment à se faire exploser dans le métro de Bruxelles le 22 mars 2016, l’a dit aux enquêteurs. Après la mort d’Abaaoud, tué cinq jours après les attentats du 13 novembre à Paris, la cellule terroriste a dû se réorganiser. Et, a-t-il précisé, cela a pris un certain temps.
"Après Paris, c'était l'accalmie, le calme. Quelqu'un qui va voler une banque et qui fait un cambriolage, je ne crois pas qu'il va sortir quelques jours après", dira-t-il après son arrestation. D'autant, "qu'il y avait des militaires partout".
Cinq hommes ont été vite arrêtés. Ils figurent parmi les vingt accusés jugés à Paris pour le 13 novembre.
Le plus intéressant est Mohamed Bakkali. Son arrestation, a expliqué, mardi devant les assises de Paris, un enquêteur belge, "aurait pu être déterminante car il connaissait les planques" de la rue Henri Bergé à Schaerbeek et de l'avenue de l'Exposition à Jette. C'est en effet Bakkali qui, sous un faux nom, a signé les baux de ces logements.
Le silence coupable de Bakkali
Mais Mohamed Bakkali, interrogé à deux reprises avant les attentats du 22 mars 2016, ne lâchera pas le morceau. Il ne dira rien sur la rue Henri Bergé où Salah Abdeslam et Mohamed Abrini se réfugieront à leur retour de Paris, y retrouvant Najim Laachraoui, qui se fera exploser à Zaventem ainsi que trois autres terroristes qui, quelques jours plus tard, migreront vers la planque de Jette.
La cellule se réorganisera en vue de frapper. Peu avant le 15 mars 2016, jour de l’assaut de la rue du Dries à Forest d’où Salah Abdeslam parviendra à s’échapper pour être capturé trois jours plus tard à Molenbeek, les préparatifs pour de nouveaux attentats battent leur plein.
Un fichier audio en atteste. Il était conservé dans l’ordinateur abandonné dans une poubelle par les terroristes lorsqu’ils partiront frapper à Zaventem le 22 mars 2016. Ce fichier, intitulé Carved001884, a été enregistré entre le 13 et le 15 mars 2016. Il s’agit d’un message de Najim Laachraoui, envoyé à Oussama Atar, le commanditaire belge installé en Syrie. Il fait rapport, parle des projets à venir et des tâches effectuées.
Ce long monologue, diffusé mercredi devant la cour d’assises de Paris, fait froid dans le dos.
Sur un ton calme, entrecoupé de "tu vois", Najim Laachraoui s'exprime sur la fabrication d'explosifs. Comme le ferait un cuisinier, il demande conseil sur les ingrédients et les proportions.
À intervalles, on entend la clochette des trams bruxellois, si bien que l’on devine que la fenêtre de l’appartement est ouverte. En arrière-fond sonore, on devine une autre personne qui pianote épisodiquement sur le clavier d’un ordinateur.
De multiples projets d’attentats
Laachraoui dit à son correspondant qu'il a déjà confectionné 130 kg de l'explosif TATP. Il explique qu'il projette de continuer. "Tu remplis une camionnette. Tu mets 600, 700 kg et… tu déchires", dit-il, sans la moindre émotion.
Il demande de réaliser des tests en Syrie en plaçant des explosifs sous des rails de chemin de fer.
Laachraoui évoque des alternatives dans cet audio envoyé à son chef : "Si tu préfères qu'on travaille à long terme, il faut éviter de taper la Belgique" pour qu'elle reste une base de repli.
Il cite l'Euro 2016 de football prévu en juin en France : "Les frères… Ils veulent annuler cet Euro", dit-il. Il s'enquiert "des frères qui sont en France : est-ce qu'ils sont toujours opérationnels ?" Il laisse néanmoins entendre que "si on serait cramés, on a assez de cibles ici. En plus, des cibles de premier choix".
Tous ces plans tomberont à l’eau à la suite de l’arrestation d’Abdeslam. Acculée, la cellule décidera de frapper à Zaventem et à Maelbeek le 22 mars 2016.
Quelques heures plus tôt, elle en avertira, par un audio, Oussama Atar, son commanditaire en Syrie. Il y aura 32 morts et 340 blessés.