En Allemagne, le gouvernement desserre les règles concernant la "publicité" sur l’avortement : "Un soulagement"
Les médecins avaient interdiction de diffuser des informations sur l’IVG.
Publié le 26-05-2022 à 16h07
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Christiane Tennhardt se dit "un peu soulagée" . Dans les prochaines semaines, cette gynécologue et les deux collègues avec lesquelles elle travaille à Berlin pourront, sur leur site internet, informer leurs patientes des méthodes d'avortement employées dans leur cabinet ainsi que des documents à apporter pour réaliser un arrêt volontaire de grossesse (IVG). Le chancelier social-démocrate Olaf Scholz et ses partenaires libéraux et écologistes veulent en effet abolir le fameux paragraphe 219a du Code pénal qui pénalise la "publicité" sur cet acte médical. Débattu le 13 mai en première lecture au Bundestag, le texte est quasiment assuré de passer dans les prochaines semaines.
"Cela constitue un soulagement car jusqu'en 2019, il était tout simplement interdit d'indiquer que nous pratiquions des avortements" , raconte Christiane Tennhardt. "En 2019, une réforme nous y a autorisés mais en nous empêchant d'en dire davantage. Nous ne pouvons ni évoquer le coût ni les méthodes. C'est un peu comme si on nous imposait une sécurité enfant sur Internet, avec des pages qui se bloquent quand l'accès au site n'est pas autorisé ! C'est une mise sous tutelle des femmes. Tout est fait pour rendre l'avortement compliqué" , constate cette gynécologue, qui pratique des IVG depuis 32 ans.
Promesse du gouvernement d’Olaf Scholz, l’abolition du paragraphe 219a devrait mettre fin à une polémique née en 2017 par la première condamnation d’une gynécologue de Giessen, dans la Hesse, Kristina Hänel, qui avait indiqué sur son site internet pratiquer des avortements. Cette affaire souleva à l’époque une vague de protestations et fut suivie par d’autres jugements à l’encontre d’autres gynécologues.
Un sujet qui divise la classe politique
Depuis, le sujet ne cesse de diviser la classe politique. En arrivant au pouvoir, en décembre, sociaux démocrates, écologistes et libéraux ont promis de supprimer ce paragraphe qui, selon eux, entrave "l'accès aux soins médicaux professionnels et au libre choix du médecin" . Il porterait aussi "atteinte au droit à l'autodétermination sexuelle et reproductive" . La nouvelle loi prévoit de soumettre les avortements aux mêmes règles de publicité que celles concernant les médicaments.
Même si leur chance de succès est quasi nulle, l'opposition chrétienne-démocrate et les Églises, catholique et protestante, souhaitent maintenir l'aspect illégal de la publicité sur l'avortement. Voulant "donner une voix à la vie à naître" , elles avertissent des risques de " banalisation" des avortements dont le nombre s'élève à 100 000 par an. Un chiffre stable et relativement faible en comparaison avec ceux au niveau international.
L’une des craintes des chrétiens-démocrates et des Églises est que l’abolition du paragraphe 219a ouvre la voie à la suppression d’un autre paragraphe du Code pénal, le 218 qui pénalise plus largement l’avortement. Outre-Rhin, en effet, les IVG restent illégales, sauf sous certaines conditions très précises. Les femmes doivent ainsi être à l’origine de la demande, suivre un entretien et obtenir l’aval d’une organisation de planning familial reconnue par l’État et ne pas dépasser 12 semaines de grossesse. Ces préconditions divergent en cas de viol ou de danger pour la mère.
Abolir le caractère illégal de l'avortement, c'est justement ce pour quoi Christiane Tennhardt milite. "Le paragraphe 218 doit disparaître" , estime-t-elle en rappelant qu' "un acte illégal ne peut être enseigné à l'université" . Membre de l'association Doctors for choice, cette praticienne plaide pour que les IVG trouvent une vraie place dans le cursus des étudiants de médecine, ce qui n'est pas le cas actuellement.
"Un droit qu’il faut préserver"
Christiane Tennhardt ne se fait toutefois pas d'illusion. "Même si ces deux paragraphes disparaissaient du Code pénal, tout ne serait pas parfait. La stigmatisation des femmes et des médecins reste forte et il est difficile de trouver un praticien en zones rurales, notamment en Bavière" , rappelle-t-elle. Outre-Rhin, le nombre de médecins pratiquant des avortements a été divisé par deux en vingt ans. "Il est difficile de changer la société par la loi mais c'est une bonne chose que le débat ait lieu" , estime-t-elle toutefois. "Cela fait prendre conscience aux jeunes générations que l'avortement est un droit qu'il faut préserver. Tout peut aller si vite. La Pologne et les États-Unis sont là pour nous le rappeler" .