A Bruxelles, les dirigeants des Balkans fulminent et il faut dire que l'Union européenne l'a un peu cherché
Une humeur signée Maria Udrescu.
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- Publié le 23-06-2022 à 22h47
- Mis à jour le 24-06-2022 à 13h01
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On s'attendait à ce que les dirigeants des pays des Balkans qui veulent intégrer l'Union (Serbie, Monténégro, Macédoine du Nord, Albanie, Bosnie-Herzégovine et Kosovo) arrivent à Bruxelles jeudi de très mauvais poil. Trois d'entre eux, à savoir le Macédonien, l'Albanais et le Serbe, avaient menacé de ne pas répondre à l'invitation des Vingt-sept, tant ils sont las d'entendre des promesses européennes sans progresser sur le chemin vers l'Union. Mais on ne pensait pas qu'ils débarqueraient sans aucun filtre. "Permettez-moi d'exprimer ma profonde tristesse pour l'Union européenne. J'ai vraiment de la peine pour elle", a ironisé le Premier ministre albanais Edi Rama, lors d'une conférence de presse avec les dirigeants macédonien et serbe. "C'est un coup dur pour la crédibilité de l'UE", a renchéri le Premier ministre macédonien Dimitar Kovacevski, après une réunion aves les Vingt-sept qui s'annonçait infructueuse.
Il y avait en effet zéro chance que la Bulgarie lève cette semaine son veto au lancement des négociations d'adhésion avec la Macédoine du Nord, ce qui a pour effet de bloquer également l'Albanie, les deux candidatures étant liées. Sofia traverse une énième crise politique – la quatrième en un an, on commence presque à en perdre le compte. Le gouvernement pro-européen de Kiril Petkov a été renversé mercredi, notamment en raison de ses tentatives de résoudre les contentieux historiques, culturels et ethniques avec Skopje. Résultat : l'Union a été forcée de prier à nouveau ces deux pays de patienter. Mais trop is te veel. Pressentant le fiasco, les Européens ont annulé la conférence de presse prévue à l'issue de la réunion, officiellement pour une question de temps. "Cela démontre qu'ils se sentent vraiment très mal face à ce qui se passe", a commenté M. Rama, traitant d'"impuissants" les vingt-six États membres condamnés à attendre que Sofia bouge. "Il est temps que l'UE tienne ses promesses avant d'en faire de nouvelles", a aussi tonné M. Kovacevski, dans une référence à peine voilée à la décision des Vingt-sept d'accorder le statut de candidat à l'adhésion à l'Ukraine et à la Moldavie. À noter : énerver les pays des Balkans n'est jamais une bonne idée.
L’Union a tendu le bâton pour se faire battre
Il faut dire que les Vingt-sept l'ont un peu cherché, puisqu'ils sont venus à cette réunion les mains vides. Donc, pas de solution pour l'Albanie et la Macédoine du Nord. Certes, les Français ont mis sur la table un cadre de négociation qui pourrait amadouer les Bulgares. Mais M. Kovacevski a qualifié d'"inacceptable" cette proposition, exigeant du "respect" pour son pays. "Rien n'est jamais facile dans les Balkans, mais je pense qu'il y a 50 à 60 % de chances de parvenir à une percée la semaine prochaine", a déclaré le Premier ministre néerlandais Rutte. On a déjà vu plus optimiste. Cette situation est-elle"juste vis-à-vis de la Macédoine du Nord ? Je vais vous le dire très clairement : non", a avoué le président français Emmanuel Macron jeudi soir, s'engageant à "tout faire" pour résoudre le problème.
Ensuite, pas (encore ?) de libéralisation des visas pour les ressortissants du Kosovo, les seuls à ne pas pouvoir circuler librement dans l’UE.
Pas non plus de statut officiel de candidat à l'adhésion pour la Bosnie-Herzégovine, même si, il faut le dire, elle n'a pas fait beaucoup pour le mériter. En même temps, ce n'est pas comme si l'exemple de son voisin macédonien – qui a réalisé beaucoup de progrès sans en être récompensé – avait de quoi la motiver. Le président du Conseil européen Charles Michel a donc plaidé pour "réénergiser le processus" de Sarajevo. La décision de lui accorder le statut de candidat pourrait être prise plus tard cette année, sur base de l'évaluation que la Commission européenne fera sur les réformes réalisées.
De manière générale, Charles Michel a déclaré que l'UE était prête à "revivifier le processus d'engagement avec les pays des Balkans occidentaux". Ces mots-là, les principaux concernés les ont déjà entendus et peinent de plus en plus à y croire. Les Vingt-sept n'ont donc pas pu éviter un débat philosophique sur l'élargissement, qu'ils devront encore tenir à l'avenir. Voilà qui a failli plomber la fête jeudi, alors même que l'UE a adopté une décision "historique" visant l'Ukraine et la Moldavie. On a frôlé le gâchis.