Pourquoi l’Europe planche sur une mission d’entraînement des forces ukrainiennes
Un document que "La Libre" a pu consulter évoque des formations notamment en matière de déminage ou de tir d'élite.
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Publié le 29-08-2022 à 21h58 - Mis à jour le 29-08-2022 à 23h26
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"Pour défendre l'existence même de l'UE démocratique et les principes fondamentaux de l'ordre international, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser Poutine gagner en Ukraine", a mis en garde la semaine dernière le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, lors d'un séminaire organisé en Espagne, à Santander. Alors que cette bataille s'inscrit dans la durée, les Européens sont mis au défi de pérenniser et renforcer leur soutien militaire aux soldats ukrainiens. Ce sujet sera au cœur des discussions des ministres de la Défense des Vingt-sept, invités ces lundi et mardi à Prague, dans le cadre de la présidence tchèque du Conseil de l'Union européenne. "Nous devons répondre le plus vite possible aux besoins ukrainiens, que ce soit sur la fourniture d'équipements militaires ou d'autres types de prestations", explique un diplomate européen. Sur la table, figure donc la proposition de Josep Borrell de mettre en place une mission "puissante" d'entraînement des forces ukrainiennes.
Selon le document que le chef de la diplomatie européenne a envoyé au préalable aux ministres et que La Libre Belgique a pu consulter, l'Ukraine a exprimé de nombreuses demandes de formations, notamment en matière de "médecine militaire, de déminage ou de tir d'élite". La mission européenne devrait cependant être "flexible", tant dans ses contours que dans sa durée, de sorte à pouvoir s'adapter à l'évolution de la situation. Mais quoi qu'il en soit, elle se déroulerait en dehors de l'Ukraine, à savoir dans les États membres qui en sont voisins ou proches, a d'emblée prévenu l'Espagnol. "L'Union européenne doit maintenir son statut de non-belligérant", explique à ce titre Sven Biscop, directeur à l'Institut royal Egmont et professeur de politique internationale à l'Université de Gand.
Un projet déjà imaginé l’année dernière
L’idée était déjà dans l’air avant même le début de la guerre, à l’époque où les États-Unis ne cessaient de mettre en garde les Européens quant à une offensive imminente de la Russie. Dès l’automne 2021, les Vingt-sept s’étaient penchés sur une mission de formation des forces ukrainiennes, s’inspirant de ce qui a déjà été mis en place en République centrafricaine, au Mali ou plus récemment au Mozambique, dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune de l’UE. Mais le projet avait été mis de côté, d’abord pour éviter une escalade, puis pour répondre à l’urgence de la guerre, avant que Josep Borrell ne le remette au goût du jour.
Car les États membres offrent déjà des formations aux soldats ukrainiens. Certains ont été conviés sur la base militaire Idar-Oberstein, en Rhénanie, pour apprendre à se servir des obusiers automoteurs Panzerhaubitze 2000, que l’Allemagne et les Pays-Bas ont décidé d’envoyer à l’Ukraine. Le Danemark, la Finlande, la Suède, l’Allemagne ou la Lettonie se sont joints à l’initiative lancée en juin par le Royaume-Uni pour entraîner des Ukrainiens sur son territoire. La France a également dû former des Ukrainiens à utiliser les canons Caesar qu’elle leur a confiés. L’enjeu serait donc de coordonner ces efforts et de continuer à répondre aux besoins de l’Ukraine.
Une telle mission, "c'est la suite logique de l'action de l'UE depuis le début de cette guerre", estime ainsi Marie Dumoulin, du European Council on Foreign Relations. L'Union a déjà mobilisé 2,5 milliards d'euros pour financer ou rembourser l'envoi d'armes létales en Ukraine - en plus des aides fournies bilatéralement par différents États membres - et cette enveloppe pourrait toujours être élargie. Cette question se posera d'ailleurs de manière plus générale au sujet de la Facilité européenne pour la paix (FEP), l'instrument d'où ces fonds ont été puisés et qui était à l'origine doté de 5,7 milliards jusqu'en... 2027. Au lendemain de la guerre, les Vingt-sept ont d'abord paré à l'urgence et envoyé à Kiev des équipements qu'ils savaient déjà utiliser, à savoir ceux de type soviétique. Mais la guerre continue. Il faut donc de plus en plus adapter les capacités des Ukrainiens aux équipements occidentaux modernes, même si ceux-ci commencent également à manquer. "Les stocks sont épuisés et notre industrie de défense n'est pas adaptée à la guerre", rappelle ainsi Sven Biscop. Ce sujet sera également abordé mardi par les ministres de la Défense et s'invitera sans doute à de nombreuses autres réunions, en ce qu'il représente désormais un des défis majeurs de l'UE face à la guerre en Ukraine.