L’Écosse ne pourra pas organiser un référendum d’autodétermination
La cour suprême britannique a estimé que le parlement écossais ne disposait pas des droits pour organiser un référendum sans l’accord de Londres. Mais la Première ministre indépendantiste Nicola Sturgeon ne baisse pas les bras.
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- Publié le 24-11-2022 à 06h53
- Mis à jour le 24-11-2022 à 11h01
Coup de tonnerre sur l’Écosse. Le référendum sur l’indépendance du 19 octobre 2023 annoncé cet été par la Première ministre écossaise et présidente du Parti national écossais (SNP) Nicola Sturgeon n’aura pas lieu. Mercredi, la cour suprême britannique a en effet refusé à son gouvernement le droit d’organiser un vote sans l’accord de son homologue britannique. “Le parlement écossais n’a pas le pouvoir de légiférer pour organiser un référendum sur l’indépendance de l’Écosse”, a conclu son président Robert Reed. Il a estimé que le projet de loi mis sur la table par le gouvernement écossais dépend de “thématiques […] en dehors de la compétence du parlement écossais”. Il a aussi rejeté “le droit à l’autodétermination” des Écossais car ceux-ci ne sont à ses yeux ni opprimés ni une ancienne colonie puisque l’Écosse est entrée volontairement dans un partenariat avec l’Angleterre pour la création d’un pays commun.
Le pari de Nicola Sturgeon de faire appel à la cour suprême britannique s’est retourné contre elle. Sa décision avait d’ailleurs été vertement critiquée par son prédécesseur, et désormais adversaire, Alex Salmond : “Les vrais parlements ne demandent pas la permission d’appliquer leur mandat démocratique”, nous avait-il expliqué le mois dernier. “Le parlement écossais aurait dû adopter la législation en faveur d’un référendum d’indépendance et forcer le gouvernement britannique à le contester. La cour suprême aurait été prudente face à la volonté d’élus du peuple, alors que si on lui demande son avis il était évident qu’elle n’hésiterait pas à le donner”.
Après s’être déclarée “déçue” par ce verdict, Nicola Sturgeon a répété sa volonté de “respecter la loi”. Elle n’organisera donc pas de référendum sans l’accord du gouvernement central, comme l’avaient fait les indépendantistes espagnols en 2017, ce qui avait mené à une crise politique majeure et à l’arrestation des responsables catalans. Mais elle ne baisse pas pour autant les bras – ce qui n’est guère une surprise puisque l’indépendance de l’Écosse demeure l’essence même de son parti. “L’idée que le Royaume-Uni est un partenariat volontaire de nations n’est plus une réalité”, a-t-elle expliqué. “Comme l’avait dit l’ancien Premier ministre britannique John Major, aucune nation ne peut être maintenue dans une union contre sa volonté”. Avant de rappeler que “ce n’est pas le SNP qui abandonne l’idée d’un référendum, c’est Westminster qui la bloque”.
De fait, le gouvernement britannique a réitéré son refus d’accepter pour le moment la tenue d’un référendum. “La voie vers un référendum est celle où il y a un consensus entre les gouvernements, entre les partis politiques et entre les citoyens écossais, comme c’était le cas en 2014”, a rappelé mercredi le ministre en charge de l’Écosse Alister Jack. “Ce n’est pas le cas actuellement.” Le Premier ministre Rishi Sunak, comme son prédécesseur Boris Johnson, n’entend pas prendre le risque de faire exploser le pays.
Un scrutin en guise de Référendum
Pour contourner cet obstacle, Nicola Sturgeon a proposé aux Écossais de faire de la prochaine élection générale, prévue en 2024, “un référendum de facto”. Concrètement, elle utiliserait le résultat de l’élection dans les circonscriptions écossaises pour voir s’il existe une majorité d’Écossais favorables à l’indépendance. Une proposition bien évidemment refusée par le gouvernement britannique, selon les propos du porte-parole de Rishi Sunak.
La situation est compliquée pour les deux parties. Le SNP est quasi omniprésent lors des élections organisées sur son sol depuis dix ans. Lors de l’élection générale britannique de 2019, il y a remporté 48 des 61 circonscriptions et 45 % des votes. Lors des élections parlementaires écossaises de 2021, il a remporté 47,7 % des votes et 64 des 129 sièges. Mais dans le même temps, seuls 45 % des Écossais soutiennent l’indépendance. Un chiffre en forte baisse depuis la concrétisation du Brexit, qui a mis en évidence les problèmes créés par la mise en place de frontières entre la Grande-Bretagne et le marché unique.
La situation peut-elle s’inverser d’ici à 2024 ? Nicola Sturgeon le pense. Quelques mois avant le référendum de 2014, les indépendantistes étaient bien plus en retard dans les sondages. Surtout, ils peuvent compter sur la conjoncture d’une économie très difficile et d’une crise sociale à venir en raison de l’importante inflation (11,1 % en octobre) pour faire avancer leurs arguments : une fois indépendante, l’écosse pourra rejoindre les eaux calmes de l’UE et mettre derrière elle le Brexit qui affecte pour le moment l’économie britannique. Nul doute : si Nicola Sturgeon a perdu une bataille, elle ne s’avoue pas encore vaincue.