La Roumanie et la Bulgarie restent bloquées aux portes de Schengen, la Croatie y entre
Si les Vingt-sept ont donné leur feu vert ce jeudi pour accueillir la Croatie dans l'espace de libre-circulation, l'Autriche bloque la Roumanie et la Bulgarie, qui se heurte aussi au refus des Pays-Bas. Pendant ce temps, la Hongrie est venue aussi mettre son grain de sel dans le débat.
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Publié le 08-12-2022 à 08h30
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Oui, pour la Croatie. Non, on verra plus tard, pour la Roumanie et la Bulgarie. Voilà à quoi ressemblait l’issue du débat ce jeudi au sujet de l’élargissement de l’espace de libre-circulation Schengen. Si les ministres de l’Intérieur des Vingt-sept ont donné leur feu vert à l’unanimité à Zagreb, Bucarest et Sofia se heurtent au blocage des Pays-Bas, de l’Autriche et aux états d’âme de la Hongrie.
Les Néerlandais auraient bien validé l'entrée de la Roumanie dans Schengen, mais ils demandent plus de garanties au sujet du respect de l'état de droit en Bulgarie. Or le sort des deux pays, entrés ensemble dans l'UE en 2007, est lié. La République tchèque, qui assure la présidence du Conseil de l'UE, a tenté de bâtir un consensus pour ouvrir la porte au moins à la Roumanie, en prévoyant des conditions pour la Bulgarie. Mais cette proposition, qualifiée par certaines sources de "prématurée", n'a pas convaincu les Vingt-sept. Un "découplage" aurait aussi dû être validé par le Parlement européen, ce qui aurait pris des mois.

Vienne, la vraie source de blocage
De toute manière, l'Autriche refuse obstinément de donner son feu vert tant à Bucarest qu'à Sofia. En cause : les chiffres observés sur la route migratoire des Balkans, un sujet devenu extrêmement sensible en Autriche, qui fait face à une augmentation des arrivées. "Cette année, nous avons enregistré plus de 100.000 passages illégaux de la frontière en Autriche", a indiqué le ministre autrichien de l'Intérieur Gerhard Karner, à son arrivée à la réunion jeudi matin. 40% des demandeurs d'asile qui débarquent dans le pays passent surtout par la Serbie, la Hongrie (qui fait, elle, partie de l'espace de libre-circulation), la Roumanie et la Bulgarie, soutiennent les Autrichiens. Et non pas par la Croatie, d'où la décision de Vienne de valider l'entrée de cette dernière dans Schengen.
"La Roumanie ne devrait pas être punie de manière injustifiée", a déclaré sur Facebook mercredi le ministre de l'Intérieur roumain Bode, rejetant les accusations autrichiennes qui sous-entendent une mauvaise gestion des frontières par Bucarest et Sofia. Selon Euractiv , la Bulgarie menace quant à elle de prendre des mesures de rétorsion à l'égard de l'Autriche et des Pays-Bas. La frustration est importante dans ces deux Etats d'Europe orientale, alors qu'ils espéraient enfin pouvoir bénéficier du joyau européen qu'est cet espace sans frontières intérieures. Cela aurait épargné leurs citoyens de longues files d'attente pour entrer ou sortir du pays et stimulé le tourisme. Mais surtout: le sentiment d'appartenance européen aurait été renforcé au sein des sociétés roumaines et bulgares.
Il est injuste de ne pas donner à la Roumanie et à la Bulgarie l'opportunité qu'elles ont méritée.
"La Croatie, la Bulgarie et la Roumanie sont prêtes à rejoindre Schengen, elles ont fait ce que nous leur avons demandé, elles ont coché toutes les cases", a insisté Margaritis Schinas, vice-président de la Commission jeudi matin, avant la réunion. Un constat que l'exécutif européen avait posé déjà en 2011 et qu'il a encore répété plus de dix ans plus tard, à la mi-novembre de cette année. En vain. "Les quelques hésitations qui subsistent sont d'ordre politique et ignorent deux faits simples : l'élargissement de Schengen nous rend plus forts, et non plus faibles, et il implique des contrôles plus nombreux et plus efficaces. J'espère que le bon sens prévaudra. Et que nous pourrons prendre une décision, sinon aujourd'hui, du moins ces jours-ci. Il est injuste de ne pas leur donner l'opportunité qu'ils ont méritée", a poursuivi M. Schinas.
Bucarest et Sofia ont exigé qu'un vote soit quand même organisé jeudi à leur sujet, même si le verdict est déjà connu … En cas de refus, ils ne pourront espérer de feu vert pour rejoindre Schengen avant au moins six mois, voire un an.
La bonne ambiance devrait donc régner lors de cette réunion de jeudi. "Je m'attends à une discussion intense et dynamique", a déclaré Ylva Johansson, à son arrivée.
D'autant que la Hongrie est venue mettre son petit grain de sel, feignant d'avoir besoin de plus de temps pour se décider sur l'élargissement de Schengen. "J'ai comme l'impression que c'est lié au gel de ses fonds européens (question que les États membres doivent trancher d'ici la fin de l'année) ", ironisait un diplomate, en référence à la stratégie de chantage qu'utilise la Hongrie déjà sur d'autres dossiers européens.