"La vie est ici de moins en moins agréable”: Paris, en difficulté budgétaire, est convoité par les macronistes
Une faillite de la Ville de Paris n’est pas d’actualité, mais les attaques visant Anne Hidalgo montrent que la bataille municipale de 2026 est déjà lancée.
- Publié le 25-12-2022 à 20h17
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Face à la mairie du XVIIe arrondissement à Paris, les brasseries sont toujours bondées. Une seule pièce dans le jukebox suffit bien souvent pour entendre des Parisiens se plaindre de la gestion de la Ville par la maire Anne Hidalgo et sa majorité de gauche, rassemblant le Parti socialiste (PS), Europe Écologie – Les Verts (EELV), le Parti communiste français (PCF) et Génération·s. “On parle même maintenant de la faillite de la Ville de Paris, j’ignore si le risque est réel mais en tout cas, la vie est ici de moins en moins agréable”, regrette Mathilde, cadre et jeune maman.
Depuis sa défaite cinglante à l’élection présidentielle en avril où elle a été éliminée au premier tour avec 1,7 % des voix, la maire socialiste de Paris accumule les ennuis. Elle doit faire face aux plaintes de Parisiens relatives à la propreté, aux travaux, à la mobilité, ou encore aux trottinettes en libre-service qui pourraient d’ailleurs bientôt être interdites.
En haut de la liste de ses déboires, figure la situation financière de la Ville. La dette a presque doublé en moins de 10 ans. Elle était de 4,18 milliards d’euros fin 2014, à l’entame du premier mandat d’Anne Hidalgo, et elle devrait atteindre 7,75 milliards d’euros fin 2022, selon les prévisions de la Ville de Paris.
”L’État refile la patate chaude”
Du côté de la majorité municipale, les élus avancent plusieurs causes : des investissements massifs, le coût de la crise sanitaire, la hausse des prix de l’énergie, l’inflation, ainsi que la baisse de l’aide de l’État. Il “continue à se désengager” et “réduit encore notre autonomie fiscale”, a déploré Anne Hidalgo lors du vote du budget au conseil de Paris, le 13 décembre, avant d’évoquer la hausse de 52 % de la taxe foncière, “le seul levier restant à notre disposition”.
”Oui, l’État demande de plus en plus aux communes mais il participe aussi à l’attractivité de Paris, avec les musées notamment”, rétorque le maire du XVIIe, Geoffroy Boulard (Les Républicains, LR). Il peut y avoir de la bonne dette quand on investit, quand on crée des équipements, mais derrière, il faut assurer le fonctionnement et avoir les moyens d’entretenir le patrimoine et de proposer un service public de qualité. Or on a le sentiment que ce service se dégrade. 10 000 Parisiens quittent chaque année la capitale depuis 10 ans parce que le rapport entre la qualité de vie et le prix à payer pour cela n’est plus avantageux. La course en avant d’Anne Hidalgo va coûter de plus en plus cher et il s’agit donc d’assainir les finances de la Ville pour assurer l’avenir des petits Parisiens de demain.”
L’opposition municipale pointe notamment la masse salariale. Il faut dire que la Ville emploie 55 000 personnes, soit presque autant que les institutions européennes.
”Mais ce n’est pas trop, tant la quantité de travail est colossale, assure le syndicaliste Benoît Martin, secrétaire général de l’Union départementale CGT de Paris. Paris est une ville mais aussi un département, et la Ville de Paris hérite donc des compétences d’un département. Et puis, Paris, c’est 2,16 millions d’habitants et 1,8 million de travailleurs. C’est également la ville la plus touristique au monde qui accueille de grands événements et bientôt les Jeux olympiques. Alors oui, l’équation est compliquée. On peut actionner le levier fiscal mais céder plus de missions du public au privé n’est pas une bonne option. On en arrive aussi là à cause de l’État. Il se désengage pour réduire son propre déficit et ce sont les collectivités qui trinquent. Il leur refile la patate chaude, en somme.”
”L’ancrage local, les macronistes ne l’ont pas”
Mais le risque de faillite ou de mise sous tutelle est-il réel ? C’est la cheffe de file LR à Paris, Rachida Dati, qui a allumé en premier la mèche, mi-novembre, en demandant l’intervention de l’État. Le sujet a pris une dimension nationale quand le ministre des Comptes publics Gabriel Attal (Renaissance) a profité de la brèche pour vivement critiquer Anne Hidalgo. Quelques jours plus tard, un autre membre du gouvernement, Clément Beaune (Renaissance), a déclaré qu’une mise sous tutelle n’était “pas exclue”.
”En réalité, glisse Geoffroy Boulard, sourire en coin, nous avions interrogé le préfet de région au printemps, dans l’anonymat, et il nous avait répondu qu’une mise sous tutelle n’était pas justifiée parce que Paris était encore assez riche et disposait encore d’un important potentiel de recettes fiscales. Il n’est pas question de faillite, même s’il faut être vigilant.”
Mais les fidèles lieutenants du président Emmanuel Macron se sont pris les pieds dans le tapis de la surenchère, avant de rétropédaler. Leurs attaques ressemblent, en fait, à celles de prétendants à la mairie de Paris ; des aspirants très pressés qui lancent la course bien avant l’heure puisque les élections municipales se tiendront en 2026.
”Leur opportunisme ne trompe pas les Parisiens, lâche le maire du XVIIe. Ils reprennent nos critiques avec un rayonnement national mais l’ancrage local, ils ne l’ont pas. Sans ça, ils n’ont même aucune légitimité à donner des leçons à la maire de Paris. Ils devraient pourtant se souvenir des municipales de 2020 et des revers subis par Agnès Buzyn, Marlène Schiappa, Benjamin Griveaux…”
Clément Beaune et Gabriel Attal ne sont d’ailleurs pas les seuls membres de l’exécutif à convoiter la mairie de Paris. Marlène Schiappa (Renaissance) et Olivia Grégoire (Renaissance) veulent aussi profiter de la position fragile d’Anne Hidalgo pour ravir sa place.
De son côté, Emmanuel Macron tente de faciliter la tâche du futur candidat de son camp en mettant des bâtons dans les roues de la maire socialiste, avec la récente nomination de l’ancien secrétaire d’État Laurent Nunez comme préfet de police de Paris, et celle de l’ex-Premier ministre Jean Castex comme patron de la RATP, entreprise publique de transport exploitant notamment le métro.
”Mais que les macronistes réfléchissent bien”, avertit encore Geoffroy Boulard avant de filer vers une salle de la mairie où des repas sont servis à des personnes en grande précarité. “Le combat aux municipales, il ne se mène pas avec des déclarations, mais avec de la présence sur le terrain.”