La démocratie vacille en Slovaquie : des élections anticipées pour décider “si elle empruntera une voie qui ressemble à la Hongrie”
Des élections anticipées sont censées mettre fin au chaos politique qui règne en Slovaquie.
- Publié le 27-01-2023 à 13h22
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Le statut de “bon élève” du flanc est de l’Union européenne dont on affuble parfois la Slovaquie surprend toujours ses habitants, qui assistent jour après jour à un désespérant spectacle politique : le gouvernement de coalition expédiant les affaires courantes après avoir perdu un vote de défiance le 16 décembre, déchiré par des dissensions internes et assailli de critiques par l’opposition.
Après des mois de marasme, la lumière semble toutefois au bout du tunnel : le Premier ministre minoritaire Eduard Heger a réussi, non sans mal, à rassembler une majorité constitutionnelle. Mercredi, 92 des 150 députés du Conseil national, le parlement slovaque, ont donc pu amender la constitution pour conférer le pouvoir au parlement de décider d’élections anticipées. Ne reste plus aux députés qu’à fixer, avant le 31 janvier, la date. Ce sera vraisemblablement le 30 septembre, soit cinq mois seulement avant le terme du mandat initial.
Morcellement et pression populiste
La démocratie slovaque montre d’inquiétants signes de fébrilité. Au printemps 2021, le gouvernement d’Igor Matovič se fracassait au plus fort de l’épidémie de Covid-19. Au début de l’été 2022, une crise de coalition majeure ressurgissait sur fond de forte inflation causée par la guerre chez le voisin oriental. Le paysage politique est aujourd’hui morcelé à l’extrême, avec pas moins d’une dizaine de formations politiques qui nourrissent l’espoir de dépasser les 5 % de votes nécessaires pour entrer au Conseil national.
L’heure est à présent au branle-bas de combat pour tenter de contenir les forces populistes, anti-UE et anti-Occidentales qui attendent leur heure, dans l’opposition. Eduard Heger est tenté de créer son propre parti conservateur, tout comme Mikuláš Dzurinda, l’ancien premier ministre (1998-2006) à qui les Slovaques savent gré d’avoir permis l’adhésion de la Slovaquie à l’Union européenne et à l’OTAN, après l’isolement international de la décennie 1990 sous Vladimír Mečiar. La solution peut-elle venir d’une grande coalition des forces réformatrices qui auraient réussi à supplanter leur traditionnel clivage libéral-conservateur ?
Les observateurs s’accordent à voir dans ces élections un risque que le sociologue Michal Vašečka résume ainsi dans le journal Denník N : “Ces élections décideront si la Slovaquie empruntera une voie qui ressemble à certains égards à la Hongrie et à la politique oligarchique typique de certains États des Balkans.”
Robert Fico le revanchard
Numériquement, au vu des sondages, une coalition de type national-populiste pourrait prendre le pouvoir. Les partis des deux anciens alliés au pouvoir, Robert Fico (SMER) et Peter Pellegrini (Hlas), sont les plus populaires et pourraient faire alliance avec le parti d’extrême-droite Republika. Ces trois partis, pressés d’en finir avec un gouvernement qu’ils jugent illégitime, ont organisé un référendum le 21 janvier pour faciliter la tenue d’élections anticipées (par vote du Parlement mais avec une majorité simple et par référendum). Mais comme toutes les consultations organisées depuis 1990 à l’exception de celui pour l’entrée dans l’Union européenne, il a lamentablement échoué faute de participation (27 %).
La présidente de la République, la très pro-européenne Zuzana Čaputová, n’a pas daigné non plus y prendre part, provoquant l’ire de Robert Fico, qui fait preuve d’un revanchisme de plus en plus agressif : “La Slovaquie n’a pas de chef d’État, elle a une marionnette de Soros (George Soros, milliardaire américano-hongrois – NdlR) L’intérêt des étrangers à maintenir le gouvernement Heger en place pour pouvoir livrer des armes à l’Ukraine est si fort que Z. Čaputová a dû oublier qu’elle est le chef de l’État.” Nul doute que l’Union européenne regardera de près les développements dans ce petit pays de 5 millions d’habitants qui pourrait prendre ses distances avec la démocratie libérale et rompre avec la ligne diplomatique pro-Ukraine de l’Union européenne.