Nicolas Sarkozy cumule les pensions de retraite pour un montant très confortable
Des collectivités locales à l’Assemblée, en passant par l’Elysée : grâce à ses nombreux mandats, parfois exercés en simultané, l’ex-président cumule les pensions de retraite, pour un montant très confortable, comme le révèle «Libération».
Publié le 27-01-2023 à 21h44 - Mis à jour le 28-01-2023 à 11h14
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Dans la France d’aujourd’hui, il est bon pour un élu d’avoir cumulé les mandats, parfois en même temps, et en tout cas au fil du temps : cela permet à l’intéressé d’additionner également les pensions touchées au titre des emplois publics. Nicolas Sarkozy en profite à plein : il a commencé dès son plus jeune âge – dès 1977, à l’âge de 22 ans, il devient conseiller municipal, avant de remporter le mandat de maire six ans plus tard. C’était à Neuilly-sur-Seine, dans les Hauts-de-Seine, un département dont il fut aussi l’élu comme conseiller général (l’ancienne appellation du conseiller départemental). Ensuite, plusieurs fois élu député, plusieurs fois nommé ministre, il a fini par arracher le mandat suprême de président de la République en 2007.
En 2012, battu par François Hollande, il a quitté l’estrade politique – il n’a plus brigué de mandat électif – mais pas complètement la vie publique, étant membre de droit, à vie, du Conseil constitutionnel, même s’il a démissionné de cette sage assemblée lorsque, en 2013, elle a confirmé le rejet de ses comptes de campagne de 2012. Il avait avant cela siégé et touché des indemnités à plusieurs reprises.
Une dotation à vie dès la fin de la présidence de la République
Mais combien Nicolas Sarkozy perçoit-il pour sa retraite ? Chacun des mandats pour lesquels il a été élu pendant ses trente-cinq ans de vie publique, et pendant lesquels il a cotisé, lui a donné droit à pension, et l’ensemble vient s’additionner à la dotation qu’il reçoit en tant qu’ancien président de la République. Selon des documents consultés par Libération, l’ancien président a touché 678 396,54 euros entre mai 2013 et avril 2019. Soit, pendant ces six années, quelque 113 000 euros par an. Seul le trop bref mandat de député européen, entre le 20 juillet et le 14 septembre 1999, ne lui donne pas droit à une retraite du Parlement européen : il faut avoir été élu à Strasbourg au moins un an complet pour pouvoir en bénéficier. En tant qu’ancien ministre, il ne perçoit pas de retraite à vie.
C’est dans le dossier d’une affaire judiciaire instruite à Paris, celle du financement éventuellement venu de Libye de la campagne présidentielle de Sarkozy en 2007, que figure ce montant. En 2019, les magistrats ont demandé que soient épluchées les ressources de l’ancien chef de l’Etat. C’est ainsi qu’ont été comptabilisés les versements réguliers de ses pensions, autant par la direction régionale des finances publiques d’Ile-de-France, par l’Assemblée nationale (qui verse les pensions à ses anciens membres grâce à la caisse instituée en son sein, sous l’autorité des questeurs) et par le conseil départemental des Hauts-de-Seine. Sarkozy est toujours resté discret sur ses ressources, refusant même de dévoiler leur montant à la barre lorsqu’il était interrogé au cours des trois procès pour lesquels il a comparu jusqu’à présent.
La porte-parole de l’ex-chef d’Etat, Véronique Waché, signale à Libération que la loi du 3 avril 1955 «attribue aux anciens présidents de la République une dotation annuelle à vie versée dès la fin du mandat, sans condition d’âge» – ce qui correspond à une retraite de président avant l’heure, d’un montant sensiblement équivalent à celui d’un conseiller d’Etat «ordinaire», quelque 6 200 euros brut mensuels. Elle précise : «Les anciens présidents perçoivent, une fois arrivés à l’âge légal de la retraite, les pensions liées aux autres activités exercées pendant leur carrière comme tout citoyen français.» Quant à la carrière d’avocat de l’ex-chef de l’Etat, impossible de savoir s’il a liquidé sa pension.
Double cotisation
Alors que l’actualité est braquée sur la énième réforme très controversée des retraites, le cas de l’ancien chef de l’Etat est sûrement caricatural : le seul autre ancien président de la République encore en vie, François Hollande, a été élu pendant trente-quatre ans. N’empêche que le cas Sarkozy – qui est l’instigateur de la loi de 2010 qui repousse de 60 à 62 ans l’âge minimum de liquidation des pensions – est révélateur des incongruités du système.
L’ex-président a pu par exemple acquérir au cours de ses mandats de député des droits supplémentaires, selon une possibilité offerte aux parlementaires jusqu’en 2010 : choisir de verser une double cotisation pour obtenir des droits d’autant plus élevés. Cela permettait d’augmenter à la fois le montant de leur future pension et leur nombre d’annuités. Cette double cotisation était possible pendant quinze ans, les membres de l’Assemblée et du Sénat avaient ensuite la possibilité de cotiser 50 % de plus que la normale pendant cinq autres années. Les parlementaires pouvaient ainsi atteindre une carrière complète en vingt-trois ans. Certains bénéficient encore de ce système, car les droits acquis restent calculés selon les anciennes règles – depuis le 1er janvier 2018, le régime des députés a été aligné sur celui des fonctionnaires, faisant ainsi disparaître la double cotisation.
Soucieux de préserver le confort de leurs vieux jours, les sénateurs ont, eux, institué en compensation un régime de retraite complémentaire par points. Mais Nicolas Sarkozy n’y a pas droit : au cours de son long parcours politique, il n’a jamais brigué de fauteuil au Palais du Luxembourg.